Ego sum : famille et amis

Hommage à Philippe Tourny

par | 10 octobre 2007

Tourny 1998

Il est des départs tou­jours inac­cep­tables, tou­jours refu­sés, tou­jours niés. Celui de Philippe Tourny en est et le reste.

Je devais lui faire signer fin novembre 2005, un docu­ment admi­nis­tra­tif pour nos pro­jets com­muns, je ne le revis que le 4 décembre 2005, vers 22 heures quelques jours plus tard éten­du sur son lit de mort en soins inten­sifs, les sondes à peine débran­chées.
Depuis, il est l’absence. J’ai tou­jours la vel­léi­té de l’appeler, de pas­ser le voir, de ques­tion­ner ce sage, cet éru­dit, cet ami.
Je ne sais tou­jours pas, pour­quoi, il m’avait pris sous sa « pro­tec­tion » quand je pas­sai du mili­tan­tisme poli­tique à l’entreprise. Nous avions à la char­nière des années soixante-dix et quatre-vingts par­ta­gé notre colère contre l’invasion de l’Afghanistan, nous avions appris à nous par­ler, lui l’ingénieur, moi le mili­tant mao.
Lorsque me vint la pas­sion du jour­na­lisme éco­no­mique et de l’entreprise, il fut tou­jours là. Il m’ouvrit les bonnes portes, celles des vrais réseaux de confiance et de com­pé­tence, sans jamais attendre un retour.
Il avait par­cou­ru le monde, mais n’en tirait jamais glo­riole, il connais­sait les res­sorts de l’industrie, mais n’en fai­sait pas une affaire, il était un puit de culture, mais ne l’étalait jamais, il était un monstre d’affection, mais ne lais­sait rien paraître. Il ché­ris­sait son côté vieille France, mais vivait la moder­ni­té.
Il était un homme d’aventure et de séduc­tion, un homme du risque et du départ, de ceux qui ne gardent rien pour eux et remettent tout en jeu à chaque par­tie.
Il était un grand frère et je n’ai plus d’alibi pour ouvrir une bonne bou­teille de blanc.

Christian Apothéloz

Tourny CA
Philippe Tourny et Christian Apothéloz

Philippe Tourny est décé­dé le 4 décembre 2005 dans sa 73e année. La céré­mo­nie d’adieu a eu lieu same­di 10 décembre à 14 heures à la mai­son funé­raire 429, rue St Pierre 13005 Marseille.

Anna Arendt
« Le pas­sé est sau­vé dans la mémoire, parce qu’il devient un ave­nir pos­sible »… et une espérance.

Philippe Tourny vient de nous quit­ter. Ingénieur en phy­sique et chi­mie de for­ma­tion, il com­men­ça sa car­rière chez Péchiney en 1960. Mais il trou­va très tôt sa voie dans le déve­lop­pe­ment inter­na­tio­nal. Stratégie indus­trielle, pro­blé­ma­tiques de déve­lop­pe­ment, tra­vaux de pros­pec­tive, trans­fert de tech­no­lo­gies, il sut appli­quer la rigueur des sciences de l’ingénieur aux ques­tions du déve­lop­pe­ment et s’engager dans la coopé­ra­tion concrète, dans les pro­jets de déve­lop­pe­ment avec une éthique de géné­ro­si­té et de ser­vice des autres. Il fut consul­té au plus haut niveau dans de nom­breux pays : Venezuela, Liban, Iran, Afghanistan, Algérie, Colombie, Pérou, Équateur, Sénégal, Bolivie, Uruguay. En France, il diri­gea pen­dant 10 ans de 84 à 94 le cabi­net de consul­tants RES, puis à par­tir de 1997 le cabi­net Nest International. En région, il a for­te­ment contri­bué à la concep­tion des nou­velles poli­tiques mises en place à la créa­tion de l’institution régio­nale au début des années quatre-vingt, puis dans les années quatre-vingt-dix aux tra­vaux pros­pec­tifs de la Datar.
Homme de convic­tion, il s’était enga­gé contre l’invasion de l’Afghanistan qu’il connais­sait bien pour y avoir tra­vaillé. Plus récem­ment, il avait appor­té ses com­pé­tences, son expé­rience et ses réseaux à 3 CI, asso­cia­tion d’aide à la créa­tion d’entreprise et à la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale dont il était le tré­so­rier et à Médi Infos Agence d’information et de com­mu­ni­ca­tion en Méditerranée dont il était pré­sident.
Homme de culture, il s’adonnait à l’écriture de pièces de théâtre et de nou­velles. Il était une figure de « l’honnête homme ».

Martin Luther King
« La vie, même vain­cue pro­vi­soi­re­ment, demeure tou­jours plus forte que la mort. »


L’élégance de la volon­té
Thierry Fabre

La pre­mière fois où je suis venu le voir à Marseille dans son bureau, j’avais été frap­pé par une image. Il avait pla­cé, juste au-dessus de sa chaise, comme un emblème, un grand tirage de cette pho­to légen­daire où l’on voit un étu­diant chi­nois qui s’avance tout seul et fait front à une colonne de tanks de l’armée chi­noise. Cette image dit très bien qui était Philippe Tourny : un homme juste, qui n’a pas ces­sé de tra­cer son propre che­min et qui, n’a jamais hési­té à se dres­ser contre l’ordre des choses et la bêtise du monde.
Philippe était un ori­gi­nal, un homme libre et inven­tif qui était au fond convain­cu que par de l’imagination et de la pen­sée, il était tou­jours pos­sible de chan­ger le cours des choses !
« Douce illu­sion », pour les cyniques qui trop sou­vent nous gou­vernent, mais pas pour Philippe qui était déter­mi­né là où il vivait, et il a vécu dans des lieux dif­fé­rents au cours de sa vie, à ne pas accep­ter les choses telles qu’elles sont.
L’élégance de la volon­té, c’est cette image qui me vient immé­dia­te­ment à l’esprit lorsque je pense à Philippe Tourny. Elle res­te­ra long­temps dans mes yeux cette image car il nous a trans­mis cette idée simple, c’est que là où l’on vit, à par­tir de son propre lieu, oui, un autre monde est tou­jours possible…


Christian Rey
Directeur de Marseille Innovation
Il était un ami, une réfé­rence, un homme libre, un explo­ra­teur.
Nous avions avec Iris et lui bien sûr mis en place des choses éton­nantes entre la Colombie et L’IMT il y a main­te­nant une bonne dizaine d’années,
Comme tout cela était moderne et inno­vant.
J’aimais sa pen­sée, sa gen­tillesse, sa déli­ca­tesse, son savoir vivre.
J’avais trou­vé extra­or­di­naire sa capa­ci­té à éle­ver des enfants a tout âge
Je l’aimais comme on aime les arbres, si solides et ras­su­rants.
Sa pipe son nœud pap et ses yeux pétillants s’en sont allés
C’était un homme bien, il nous man­que­ra et res­te­ra dans nos cœurs.


André Olivaux
Merci de ce recueil recueille­ment
Quelques sou­ve­nirs
Depuis une pre­mière ren­contre impromp­tue de fin 1967 ou il “tour­nait ” sur l’Afghanistan
Il venait me deman­der tout de go j’étais charge de mis­sion ” coopé­ra­tion tech­nique”, quai Branly a paris, des machines à bois pour là-bas… Et nous avons tour­né en Champagne pour trou­ver ces machines à expé­dier pour un pro­jet éton­nant…
Et puis des silences, des voyages de l’un et l’autre, dont une ren­contre tou­jours impromp­tue a l’aé­ro­port Kennedy a New York…
Et puis des mails au fil des années.


Jean Viard
Mot dif­fi­cile ce matin, à tous et en par­ti­cu­lier à Isabelle Tourny et aux trois enfants. J’aurai aimé être avec vous mais je m’étais enga­gé à conti­nuer à par­ler d’aménagement du ter­ri­toire à Porto.
Philippe je l’ai jus­te­ment connu dans les années quatre-vingt-dix quand nous par­ti­ci­pions ensemble au groupe pros­pec­tif de la Datar. Il y avait là beau­coup d’universitaires. Il était un peu déca­lé. Homme de ter­rain, doté d’une expé­rience tech­nique, pra­tique et d’une phi­lo­so­phie huma­niste expli­cite. Comme sou­vent, après les envo­lées uni­ver­si­taires, c’est son petit déca­lage d’expérience qui atti­ra l’attention. Il y avait là une remon­tée du ter­rain, une quête de réa­li­té, une esthé­tique.
Un Humanisme.
J’ai tou­jours aimé à m’en souvenir.


Georges Corm
Désolé pour la dis­pa­ri­tion pré­ma­tu­rée de Philippe Tourny que j’ai bien connu lors de son pas­sage au Liban en 1963 où il a été mon col­lègue au Ministère du Plan et où nos bureaux étaient dans la même pièce. C’était un homme cha­leu­reux et dyna­mique que j’ai revu très briè­ve­ment, il y a quelques années et qui avait gar­dé tout son enthou­siasme de jeu­nesse.
À sa veuve et ses enfants et tous ses col­la­bo­ra­teurs, mes condo­léances les plus sincères


Alain Magnier, le 13 novembre 2008
J’ai par­cou­ru les textes pro­po­sés et tous cor­res­pondent au per­son­nage que j’ai connu. Simplement éton­né de ne pas trou­ver trace d’un de ses com­plices de l’ex­pé­rience RES à Audour (Dompierre les Ormes ). L’association qu’il avait créée était RES INNOVATION. Elle était un ferment de réflexion sur l’ur­ba­nisme et la vie éco­no­mique ter­ri­to­riale et lui même en était le cata­ly­seur. Que d’i­dées nou­velles ont pu naître à cette époque dans cet espace et qui ont encore cours aujourd’­hui. C’était sa région d’o­ri­gine. Il était par­fai­te­ment en phase avec cette cam­pagne cha­rol­laise, ce qui per­met­tait d’a­voir un regard très huma­niste sur les ana­lyses de situa­tion. Son esprit poète l’at­ti­rait déjà dans toutes les direc­tions d’ex­pres­sion écri­ture, sculp­ture … Quand je l’ai retrou­vé après de longues, très longues années, après sa réins­tal­la­tion à Marseille, nos conver­sa­tions ont conti­nué là où elles étaient res­tées et je suis sûr que c’é­tait ain­si avec cha­cun de ses amis. D’ailleurs cha­cun conti­nue à conver­ser avec lui, si j’ai bien lu ces hommages…