Il est des départs toujours inacceptables, toujours refusés, toujours niés. Celui de Philippe Tourny en est et le reste.
Je devais lui faire signer fin novembre 2005, un document administratif pour nos projets communs, je ne le revis que le 4 décembre 2005, vers 22 heures quelques jours plus tard étendu sur son lit de mort en soins intensifs, les sondes à peine débranchées.
Depuis, il est l’absence. J’ai toujours la velléité de l’appeler, de passer le voir, de questionner ce sage, cet érudit, cet ami.
Je ne sais toujours pas, pourquoi, il m’avait pris sous sa « protection » quand je passai du militantisme politique à l’entreprise. Nous avions à la charnière des années soixante-dix et quatre-vingts partagé notre colère contre l’invasion de l’Afghanistan, nous avions appris à nous parler, lui l’ingénieur, moi le militant mao.
Lorsque me vint la passion du journalisme économique et de l’entreprise, il fut toujours là. Il m’ouvrit les bonnes portes, celles des vrais réseaux de confiance et de compétence, sans jamais attendre un retour.
Il avait parcouru le monde, mais n’en tirait jamais gloriole, il connaissait les ressorts de l’industrie, mais n’en faisait pas une affaire, il était un puit de culture, mais ne l’étalait jamais, il était un monstre d’affection, mais ne laissait rien paraître. Il chérissait son côté vieille France, mais vivait la modernité.
Il était un homme d’aventure et de séduction, un homme du risque et du départ, de ceux qui ne gardent rien pour eux et remettent tout en jeu à chaque partie.
Il était un grand frère et je n’ai plus d’alibi pour ouvrir une bonne bouteille de blanc.
Christian Apothéloz
Philippe Tourny est décédé le 4 décembre 2005 dans sa 73e année. La cérémonie d’adieu a eu lieu samedi 10 décembre à 14 heures à la maison funéraire 429, rue St Pierre 13005 Marseille.
Anna Arendt
« Le passé est sauvé dans la mémoire, parce qu’il devient un avenir possible »… et une espérance.
Philippe Tourny vient de nous quitter. Ingénieur en physique et chimie de formation, il commença sa carrière chez Péchiney en 1960. Mais il trouva très tôt sa voie dans le développement international. Stratégie industrielle, problématiques de développement, travaux de prospective, transfert de technologies, il sut appliquer la rigueur des sciences de l’ingénieur aux questions du développement et s’engager dans la coopération concrète, dans les projets de développement avec une éthique de générosité et de service des autres. Il fut consulté au plus haut niveau dans de nombreux pays : Venezuela, Liban, Iran, Afghanistan, Algérie, Colombie, Pérou, Équateur, Sénégal, Bolivie, Uruguay. En France, il dirigea pendant 10 ans de 84 à 94 le cabinet de consultants RES, puis à partir de 1997 le cabinet Nest International. En région, il a fortement contribué à la conception des nouvelles politiques mises en place à la création de l’institution régionale au début des années quatre-vingt, puis dans les années quatre-vingt-dix aux travaux prospectifs de la Datar.
Homme de conviction, il s’était engagé contre l’invasion de l’Afghanistan qu’il connaissait bien pour y avoir travaillé. Plus récemment, il avait apporté ses compétences, son expérience et ses réseaux à 3 CI, association d’aide à la création d’entreprise et à la coopération internationale dont il était le trésorier et à Médi Infos Agence d’information et de communication en Méditerranée dont il était président.
Homme de culture, il s’adonnait à l’écriture de pièces de théâtre et de nouvelles. Il était une figure de « l’honnête homme ».
Martin Luther King
« La vie, même vaincue provisoirement, demeure toujours plus forte que la mort. »
L’élégance de la volonté
Thierry Fabre
La première fois où je suis venu le voir à Marseille dans son bureau, j’avais été frappé par une image. Il avait placé, juste au-dessus de sa chaise, comme un emblème, un grand tirage de cette photo légendaire où l’on voit un étudiant chinois qui s’avance tout seul et fait front à une colonne de tanks de l’armée chinoise. Cette image dit très bien qui était Philippe Tourny : un homme juste, qui n’a pas cessé de tracer son propre chemin et qui, n’a jamais hésité à se dresser contre l’ordre des choses et la bêtise du monde.
Philippe était un original, un homme libre et inventif qui était au fond convaincu que par de l’imagination et de la pensée, il était toujours possible de changer le cours des choses !
« Douce illusion », pour les cyniques qui trop souvent nous gouvernent, mais pas pour Philippe qui était déterminé là où il vivait, et il a vécu dans des lieux différents au cours de sa vie, à ne pas accepter les choses telles qu’elles sont.
L’élégance de la volonté, c’est cette image qui me vient immédiatement à l’esprit lorsque je pense à Philippe Tourny. Elle restera longtemps dans mes yeux cette image car il nous a transmis cette idée simple, c’est que là où l’on vit, à partir de son propre lieu, oui, un autre monde est toujours possible…
Christian Rey
Directeur de Marseille Innovation
Il était un ami, une référence, un homme libre, un explorateur.
Nous avions avec Iris et lui bien sûr mis en place des choses étonnantes entre la Colombie et L’IMT il y a maintenant une bonne dizaine d’années,
Comme tout cela était moderne et innovant.
J’aimais sa pensée, sa gentillesse, sa délicatesse, son savoir vivre.
J’avais trouvé extraordinaire sa capacité à élever des enfants a tout âge
Je l’aimais comme on aime les arbres, si solides et rassurants.
Sa pipe son nœud pap et ses yeux pétillants s’en sont allés
C’était un homme bien, il nous manquera et restera dans nos cœurs.
André Olivaux
Merci de ce recueil recueillement
Quelques souvenirs
Depuis une première rencontre impromptue de fin 1967 ou il “tournait ” sur l’Afghanistan
Il venait me demander tout de go j’étais charge de mission ” coopération technique”, quai Branly a paris, des machines à bois pour là-bas… Et nous avons tourné en Champagne pour trouver ces machines à expédier pour un projet étonnant…
Et puis des silences, des voyages de l’un et l’autre, dont une rencontre toujours impromptue a l’aéroport Kennedy a New York…
Et puis des mails au fil des années.
Jean Viard
Mot difficile ce matin, à tous et en particulier à Isabelle Tourny et aux trois enfants. J’aurai aimé être avec vous mais je m’étais engagé à continuer à parler d’aménagement du territoire à Porto.
Philippe je l’ai justement connu dans les années quatre-vingt-dix quand nous participions ensemble au groupe prospectif de la Datar. Il y avait là beaucoup d’universitaires. Il était un peu décalé. Homme de terrain, doté d’une expérience technique, pratique et d’une philosophie humaniste explicite. Comme souvent, après les envolées universitaires, c’est son petit décalage d’expérience qui attira l’attention. Il y avait là une remontée du terrain, une quête de réalité, une esthétique.
Un Humanisme.
J’ai toujours aimé à m’en souvenir.
Georges Corm
Désolé pour la disparition prématurée de Philippe Tourny que j’ai bien connu lors de son passage au Liban en 1963 où il a été mon collègue au Ministère du Plan et où nos bureaux étaient dans la même pièce. C’était un homme chaleureux et dynamique que j’ai revu très brièvement, il y a quelques années et qui avait gardé tout son enthousiasme de jeunesse.
À sa veuve et ses enfants et tous ses collaborateurs, mes condoléances les plus sincères
Alain Magnier, le 13 novembre 2008
J’ai parcouru les textes proposés et tous correspondent au personnage que j’ai connu. Simplement étonné de ne pas trouver trace d’un de ses complices de l’expérience RES à Audour (Dompierre les Ormes ). L’association qu’il avait créée était RES INNOVATION. Elle était un ferment de réflexion sur l’urbanisme et la vie économique territoriale et lui même en était le catalyseur. Que d’idées nouvelles ont pu naître à cette époque dans cet espace et qui ont encore cours aujourd’hui. C’était sa région d’origine. Il était parfaitement en phase avec cette campagne charollaise, ce qui permettait d’avoir un regard très humaniste sur les analyses de situation. Son esprit poète l’attirait déjà dans toutes les directions d’expression écriture, sculpture … Quand je l’ai retrouvé après de longues, très longues années, après sa réinstallation à Marseille, nos conversations ont continué là où elles étaient restées et je suis sûr que c’était ainsi avec chacun de ses amis. D’ailleurs chacun continue à converser avec lui, si j’ai bien lu ces hommages…