Ego sum : le protestant

La communauté de Pomeyrol reste ouverte aux surprises de Dieu

par | 27 mars 2019

Article paru dans Réforme, heb­do­ma­daire pro­tes­tant le 27 mars 2019

La communauté de Pomeyrol reste ouverte aux surprises de Dieu

Tout semble immuable à la com­mu­nau­té de Pomeyrol, com­mu­nau­té de sœurs pro­tes­tantes ins­tal­lées depuis 1939 dans les Alpilles, au pied d’une col­line pré­ser­vée, pro­prié­té de l’Association des pas­teurs de France. Les cloches appellent aux offices quatre fois par jour, les sil­houettes blanches des sœurs et des retrai­tants s’acheminent vers la cha­pelle, les repas se prennent en silence, les théo­lo­giens des pro­tes­tan­tismes viennent y déli­vrer leurs savoirs et leurs mes­sages ; au soir venu après les com­plies cha­cun retrouve sa cel­lule mona­cale et la règle com­mu­nau­taire, la règle de Saint Benoît, qui l’accueille avec un simple bou­quet : « Prie et tra­vaille pour qu’il règne ».

Pourtant le 17 février der­nier lors de l’assemblée géné­rale cha­cun a sen­ti qu’une page his­to­rique se tour­nait, lorsque Sœur Danielle prieure depuis 26 ans, a annon­cé que « ses épaules allaient s’alléger » puisqu’elle pas­sait le relais à Sœur Marthe Élisabeth.

C’est à l’unanimité que les neuf sœurs ont choi­si cette voie après une année de prière et de réflexion. Car si les murs sont hauts, les portes sont en per­ma­nence grandes ouvertes au monde. Les sœurs voient l’âge avan­cer, le renou­vel­le­ment se tarir, le monde chan­ger, le pro­tes­tan­tisme à la peine. « La com­mu­nion est demeu­rée grâce à Dieu, la soli­da­ri­té est vivace, grâce aux sœurs. Nous avons chan­gé avec un mode de vie moins spar­tiate, mais l’esprit de pau­vre­té est res­té », affirme sœur Danielle.

La clef de cette viva­ci­té est cer­tai­ne­ment dans le par­cours ins­pi­ré des sœurs, cha­cune est venue ici avec un che­mi­ne­ment per­son­nel et a res­sen­ti un appel à la vie consacrée.

Sœur Dolorès, la doyenne, est venue de Berlin en 1966. « C’est l’humour de Dieu », dit-elle. « Jamais je ne me serais vue dans une com­mu­nau­té, j’aurais pu me marier », puis ce fut la ren­contre avec sœur Antoinette Butte la fon­da­trice, et l’appel. « Une fois, avoue-t-elle, j’ai pen­sé par­tir, je suis sor­tie par le por­tail, j’ai fait le tour je suis ren­trée par le petit che­min… et je suis res­tée. » Sœur Claire vient de Bayonne d’une famille très pra­ti­quante. Institutrice, elle a vécu le choc de Pomeyrol, l’appel. « Je m’accroche au Seigneur » dit-elle. Sœur Maria est sué­doise fille d’un pas­teur enga­gé dans le sou­tien aux réfu­giés, à Paris, puis à Genève. Elle s’était « déta­chée de la foi de ses parents » dit-elle, puis elle est venue ici pour une retraite de Pentecôte. Elle a enten­du cet appel : « C’est ici que tu ser­vi­ras le Seigneur Jésus ». Mais ce n’est pas un che­min de faci­li­té, « Nous ne sommes pas libé­rées de la condi­tion humaine, nous sommes tou­jours femmes, mais notre affec­ti­vi­té doit être subli­mée, pour que nous deve­nions sœur et mère de ceux qui passent, nous devons faire habi­ter notre soli­tude par la ten­dresse de Dieu. ». La vie com­mu­nau­taire, disait sœur Antoinette est « comme un sac de pierre : on ne cogne, ça fait mal et on est poli les uns par les autres, alors on devient des pierres précieuses ».

Sœur Christiane est la plus mobile des sœurs, elle est pré­si­dente des com­mu­nau­tés com­mu­nion et fra­ter­ni­té de la Fédération pro­tes­tante de France, elle a beau­coup voya­gé et elle a tenu un poste pas­to­ral en paroisse. Elle était très éloi­gnée des com­mu­nau­tés reli­gieuses : « Je rêvais de me marier, d’a­voir des enfants, d’être prof d’histoire ». Après des études à la Sorbonne avec Pierre Chaunu, puis les langues orien­tales, elle a vou­lu faire le point sur sa vie. Elle a deman­dé à faire une retraite de 10 jours à Pomeyrol, « les deux pre­miers jours, j’ai failli par­tir », avoue-t-elle. « Puis j’ai vécu une conver­sion inté­rieure. J’étais une chré­tienne convain­cue, mais ça ne fonc­tion­nait qu’avec la tête, mon cœur s’est alors ouvert à l’amour de Dieu. »

La der­nière entrée dans la com­mu­nau­té a un sta­tut spé­cial, elle est catho­lique, vient de Belgique et vit tou­jours en com­mu­nion avec sa com­mu­nau­té béné­dic­tine en Belgique où elle a été consa­crée en 1982. « J’ai décou­vert le pro­tes­tan­tisme à tra­vers des camps entre catho­liques belges et pro­tes­tants fran­çais dans un vil­lage de la Gardonnenque pour recons­truire la cha­pelle béné­dic­tine de Domessargues (Chapelle œcu­mé­nique gérée par le comi­té de Sauvegarde de la cha­pelle de Domessargues qui com­prend 6 pro­tes­tants et 6 catho­liques), rare lieu de culte œcu­mé­nique ». Elle assume d’être catho­lique dans une com­mu­nau­té pro­tes­tante. « Ma com­mu­nau­té date du VIe siècle et l’écriture y est cen­trale. Je n’ai pas chan­gé de cap, le cap c’est le Christ ! »

Quand a la nou­velle prieure, elle vient de Suisse où elle était secré­taire de la paroisse de Clarens et venait chaque année dans le Midi avec les caté­chu­mènes. Elle a été tou­chée en entrant dans le Parc, mais elle a fait un long che­min per­son­nel avant d’être consa­crée en 2005. Femme pra­tique, Sœur Marthe Élisabeth s’est inves­tie dans la ges­tion de la com­mu­nau­té, dans ses tra­vaux, elle a ins­crit l’action de Pomeyrol dans le pro­jet glo­bal de pré­ser­va­tion du Parc natu­rel régio­nal des Alpilles.
« J’ai accep­té cette nou­velle charge, avec crainte et trem­ble­ment, dit-elle mais je me sens sou­te­nue ».
La com­mu­nau­té n’est pas un îlot de quié­tude assu­rée : « On est obli­gée de fré­quen­ter des sœurs que l’on n’a pas choi­sies ! » confesse sœur Maria. La prieure devra donc assu­rer le deve­nir et la cohé­sion de la com­mu­nau­té. Mais avec un pro­jet simple : « Continuer une vie de prière et d’accueil, pour que ceux que nous rece­vons puissent retrou­ver la paix ».
Pas de plan stra­té­gique ou de pro­jec­tion éco­no­mique. Sœur Danielle a tou­jours sui­vi un modèle simple pour enga­ger et faire abou­tir de tra­vaux impor­tants : débrous­saillage mas­sif contre le feu, construc­tion d’une cui­sine aux normes et d’une salle à man­ger, acces­si­bi­li­té han­di­ca­pé et pro­tec­tions anti­feu. Un modèle en trois préceptes :

  1. « Dieu donne ce qu’il ordonne », sans jamais faire appel aux dons !
  2. On entame le pro­jet si l’on a « la dîme », le dixième du bud­get, le reste vient après et jusqu’à aujourd’hui de Suisse, de France, d’Allemagne sont arri­vés les contri­bu­tions en main‑d’œuvre, en legs ou en argent qui ont per­mis de trans­for­mer le bâti et le parc.
  3. Enfin, il faut savoir tout arrê­ter et ne pas s’entêter si le pro­jet s’engage mal.

Ainsi va Pomeyrol.
La com­mu­nau­té existe pour et par l’accueil « Il faut être pré­sent et accueillant, rap­pelle sœur Dolorès, c’est le risque. On doit être ouverts aux sur­prises de Dieu. »

La communauté de Pomeyrol reste ouverte aux surprises de Dieu

Et l’on vient de loin pour trou­ver cette séré­ni­té : Adélaïde Margenau vient de Ravensburg depuis 1976 pour retrou­ver « la vie réglée par les prières, la litur­gie, les petits che­mins, les odeurs ». Louise Lagasse, pré­si­dente du conseil pres­by­té­ral de Martigues vient à Pomeyrol pour se recen­trer : « C’est le seul lieu où je trouve un temps de séré­ni­té pour aller au fond de moi-même ». Bernadette et Jacques Peyronel, com­pa­gnons de la com­mu­nau­té viennent de Dieulefit : « C’est une oasis, notre seconde mai­son, où nous pou­vons vivre un temps de liber­té, un temps de prière ».

Pomeyrol est un lieu excep­tion­nel de lien avec l’Église ortho­doxe. Une ses­sion per­met chaque été de pré­pa­rer ensemble la fête de la Transfiguration, célé­brée le 6 août. Pour le Père Jean Gueït prêtre ortho­doxe, « C’est un temps rare d’œcuménisme, nous, ortho­doxes par­ti­ci­pons aux offices des sœurs pro­tes­tantes et les sœurs sont pré­sentes aux vigiles ortho­doxes. Ce sont deux res­pi­ra­tions litur­giques dif­fé­rentes, une semaine de vie com­mune et de fra­ter­ni­té. »
Cette capa­ci­té d’ouverture à l’autre est la rai­son d’être de Pomeyrol. Pour Emmanuelle Seybold, pré­si­dente de l’Epuf : « Quand tout fout le camp, quand il n’y a plus de désir de vivre ensemble, ces com­mu­nau­tés de prière ont un rôle essen­tiel. Ce sont des bou­gies dans la nuit, des braises qui peuvent ral­lu­mer le feu de l’Église ».

Informations : www.pomeyrol.com

Christian Apothéloz

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