Ego sum : le protestant

La tradition protestante à Marseille : 450 ans d’histoire

par | 15 mai 1992

Le pro­tes­tan­tisme est pré­sent à Marseille depuis près de 450 ans. On connaît la forte pré­sence en Lubéron des Vaudois, ces dis­ciples du bour­geois lyon­nais Pierre Valdo, qui en 1170 ven­dit tous ses biens pour fon­der “Les pauvres de Lyon”. Protestants avant la lettre, ils refu­saient la cor­rup­tion du cler­gé, l’autorité de Rome, se réfé­raient aux seuls textes bibliques… Ils furent tolé­rés dans les Alpes du Sud, puis per­sé­cu­tés, notam­ment par Meynier d’Oppede, pré­sident du Parlement d’Aix qui fit mas­sa­crer 4 000 Vaudois, détruire 22 vil­lages du Lubéron en 1545 et condam­na 660 per­sonnes aux galères.

La pre­mière pré­sence pro­tes­tante recon­nue à Marseille date de 1538, avec un pas­teur du nom de Recamis. Marseille ne célé­bre­ra pas la Saint Barthélémy par des mas­sacres comme Lyon, mais la ville est majo­ri­tai­re­ment sou­mise à la tra­di­tion catho­lique. Même avec l’Édit de Nantes, Marseille n’a pas le droit d’avoir un lieu de culte. Le Parlement d’Aix auto­rise l’ouverture d’un temple à… Velaux. Les pro­tes­tants vivent dans une semi-clandestinité, aggra­vée à la révo­ca­tion de l’Édit de Nantes, avec les per­sé­cu­tions conduites par Monsieur de Grignan et ses dra­gons.
C’est l’essor du com­merce qui va faire gran­dir la com­mu­nau­té pro­tes­tante de Marseille. Le port franc attire des hommes d’affaires des pays pro­tes­tants : Suisse, Allemagne, Hollande, Danemark. La peste décime en 1720 les petits métiers, on vient du Languedoc, du Dauphiné, des val­lées “vau­doises” des Alpes.
À la fin de l’Ancien régime, le haut capi­ta­lisme mar­seillais est pro­tes­tant, mais sans avoir droit à une repré­sen­ta­tion dans les ins­tances offi­cielles, de la ville ou de la Chambre de com­merce. La situa­tion bas­cule avec le XIX° siècle. L’Édit de tolé­rance de Louis XVI, la Révolution d’avant le culte de l’Être suprême, puis le Concordat per­mettent aux pro­tes­tants de faire sur­face. En 1792, l’Église réfor­mée loue à la muni­ci­pa­li­té l’Église de la Mission de France, rue Tapis vert et y ins­talle le pre­mier temple de Marseille. Temple pro­vi­soire qui ferme avec le culte de la Raison. Le Concordat per­met à nou­veau en 1801 aux réfor­més d’organiser leur culte publi­que­ment. Un temple est inau­gu­ré dans une salle louée au 10 rue Venture. En 1825, les pro­tes­tants bâti­ront leur propre église rue Grignan, puis pour­ront orga­ni­ser leurs paroisses libre­ment dans toute la ville. La liber­té de culte retrou­vée per­met aux pro­tes­tants d’élargir leur audience. Aux arma­teurs et com­mer­çants, s’ajoutent des ingé­nieurs (L’ingénieur Franz Mayor Montricher qui construit le canal de Marseille est réfor­mé.), des avo­cats, des professeurs.

Grignan Temple 1928 A


De nom­breuses œuvres sociales voient le jour : orphe­li­nats, mai­sons de retraite et l’infirmerie pro­tes­tante qui devien­dra l’hôpital Ambroise Paré.
Jusqu’à la deuxième guerre mon­diale, cette popu­la­tion pro­tes­tante joue un rôle éco­no­mique impor­tant. Les chefs d’entreprises pro­tes­tants sont pré­sents dans les indus­tries mar­seillaises de trans­for­ma­tion : hui­le­ries (Cordesse), bras­se­ries (Phœnix, Marx, Zénith…) dans la savon­ne­rie, dans la chi­mie et dans la banque avec la SMC (de Cazalet). Ils sont influents à l’Union patronale.Le pro­tes­tan­tisme ne se limite pas à la HSP, (la haute socié­té pro­tes­tante), son implan­ta­tion, son action dans la ville lui donnent un enra­ci­ne­ment bien plus large.
Le pro­tes­tan­tisme mar­seillais est donc un pro­tes­tan­tisme “d’immigration”, des suisses, (l’église pro­tes­tante suisse avait sa propre struc­ture, deve­nue Centre Guillaume Farel), des Vaudois du Piémont, des Cévennes (comme Gaston Defferre). Une tra­di­tion. Aujourd’hui, par exemple, la com­mu­nau­té mal­gache pro­tes­tante est très active et apporte foi et dyna­misme à l’Église.
Avec la crise de l’économie por­tuaire pho­céenne, avec l’éclatement des grandes familles, cette visi­bi­li­té du pro­tes­tan­tisme mar­seillais a dis­pa­ru. Il demeure une com­mu­nau­té très diverse qui réflé­chit col­lec­ti­ve­ment à sa foi, à son rôle, à son action. Une com­mu­nau­té qui doit tou­jours se réformer.

Christian Apothéloz

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