Courrier de lecteur envoyé à la presse protestante.
Nous sommes très fiers de cette invention étrange qui régit nos paroisses, nos synodes et notre communauté protestante. Ce système, dit presbytéro-synodal, repose sur la non-délégation de pouvoir. Une non-délégation totale, absolue, intégrale, qui fait que le président du conseil presbytéral, de la région, de l’église réformée, de la fédération protestante est statutairement, traditionnellement et délibérément sans pouvoir. Car l’assemblée vote pour lui, mais ne délègue pas son pouvoir. Le président est une sorte de porte-parole sans parole, qui doit en permanence s’en remettre à son assemblée pour agir et qui finit par ne plus agir, tant la machine est infernale.
Nous sommes aux antipodes de la démocratie. La base de la démocratie est la délégation. Dans nos églises protestantes, nous pratiquons une démocratie formelle et une irresponsabilité réelle. Le mandat en démocratie s’abstrait du vote qui l’a fait naître. Le « mandaté » est homme libre, qui fort de son élection a l’audace de la parole et de l’action. Au risque de se tromper et de ne pas être réélu. Lorsque l’assemblée des Chrétiens d’Hippone contraint Augustin à devenir évêque, nous sommes en démocratie chrétienne. Mais cette même assemblée ne lui dicte pas ses Confessions.
Au lieu de cette élémentaire pratique de la démocratie responsable et transparente, nous restons dans le non-dit. Nos présidents font, sans le dire, pour ceux qui ont envie de faire. D’autres collent tant à leur base électorale qu’ils ont renoncé à l’élever. Nous avons inventé l’immobilisme démocratique, baptisé système presbytéro-synodal.
Si nous passions à la démocratie, à la délégation de notre pouvoir à des hommes de foi et de courage. Il nous faut des pasteurs, des évêques, des présidents qui conduisent, qui dirigent, qui impulsent et innovent. Je ne suis pas sûr que Moïse aurait eu une majorité au synode pour détruire le veau d’or, je ne suis pas sûr que Jésus aurait été élu pour chasser les marchands du temple et je ne suis pas sûr que Paul aurait été reconduit après ses épîtres.
Nous avons su, il y a quatre siècles rejeter un système traditionnel qui fondait toute l’autorité de l’église sur la tradition et l’autocratie. Saurons-nous, remettre en cause une tradition basiste qui nous conduit à la stérilité évangélique ?
Christian Apothéloz