
Pour un protestant écrire sur les huit années d’un pontificat relève d’un exercice sensible. La figure papale cristallise tout ce qui sépare depuis cinq siècles catholiques et protestants. Nous fêterons bientôt le cinq centième anniversaire de l’affichage le 31 octobre 1517, des 95 thèses de Luther sur la porte de l’église de Wittemberg. Le réformateur allemand y condamne alors la commercialisation des indulgences voulues par le pape Léon, destinées à financer l’édification de l’église Saint Pierre de Rome. Depuis le protestant a été défini comme antipapiste et il s’est défini lui-même comme tel tant ce qui n’était en 1517 qu’un « disputatio » théologique est devenue un affrontement sans fin de deux « mondes ». La guerre est finie entre nous, l’œcuménisme a permis de mieux se connaître, mais naturellement reste le différent théologique.
SOLA GRATIA
Et si l’on s’en tient à la théologie, le protestant serait plus, si l’on m’autorise un néologisme « a‑papiste » qu’antipapiste. On se souvient du fameux vers de Boileau, « Tout protestant est pape, Bible à la main » (Satire XII). Et pour pousser le trait, si je suis pape, ma Bible à la main, le pape des catholiques est un frère comme un autre. Et j’aurais de la déférence pour lui comme frère et non comme autorité. À travers ce ministère pétrinien qui se fige dans la doctrine de l’infaillibilité pontificale en 1870, apparaît pour un homme, la capacité, totalement étrange en protestantisme, de parler définitivement et de façon irrévocable au nom de Dieu (1). La posture réformée vis à vis du pape n’est donc ni une appréciation sur la et les personnes, ni sur l’organisation ecclésiale romaine mais la cristallisation d’un diffèrent sur l’église, sur la grâce et sur le rapport de l’homme à Dieu. Les Réformateurs ont exprimé leurs convictions en cinq formules significatives commençant par SOLA ou SOLUS (seul).
- SOLI DEO GLORIA : Dieu est le seul qu’il faut adorer et prier.
- SOLA GRATIA : Le salut n’est pas le résultat de nos efforts ou de nos mérites mais s’obtient par la grâce seule.
- SOLUS CHRISTUS : Jésus-Christ est le seul médiateur entre Dieu et nous.
- SOLA FIDE : Le salut n’est pas donné par les sacrements ou la religion mais par la foi seule.
- SOLA SCRIPTURA : La Bible est l’autorité suprême en matière de doctrine. Les 4 autres Solas découlent de celui-ci.
Et donc découle de la révélation de la « grâce seule » (que Luther découvre dans les textes de Saint Paul) que l’église n’est pas un intermédiaire, une organisation qui pourrait devenir médiation entre Dieu et les hommes. Elle est tout simplement l’assemblée des croyants, le peuple réuni de ceux qui reconnaissent que jésus est vivant. En se refusant à placer une instance d’autorité spirituelle au-dessus des croyants, l’église protestante se risque au désordre, à la dispersion, aux désaccords. Ce qui depuis cinq siècles marque effectivement notre histoire et notre vécu quotidien. Ainsi celui qui écrit ces lignes ne s’exprime aucunement au nom des protestants, c’est un laïc, un protestant parmi d’autre qui fait part de son ressenti sur un pontificat.
Il était nécessaire de faire ce détour pour aborder le bilan d’un évêque de Rome. Son action nous interpelle évidemment puisque nous vivons en congruence avec nos frères catholiques. Dans l’Europe occidentale, catholiques et protestants vivent une même histoire et si les églises ont été séparées, nos sociétés nous font vivre ensemble, l’œcuménisme nous a mis en dialogue et en questionnement réciproques.
Que penser donc de Benoît XVI avec la distance que je viens d’énoncer ?
Nous ne pouvions pas être déçus
Joseph Ratzinger est connu bien avant le 19 avril 2005. Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, sous le flamboyant pontificat de Jean Paul II, il est un gardien rigide de la conformité à un certain catholicisme. Il écarte condamne, éloigne tous les brillants théologiens catholiques (2) comme Hans Küng, qui ont une pensée originale, nouvelle, dérangeante. Les historiens retiendront que le rénovateur de Vatican II est devenu le gardien rigoureux et rigide de la maison romaine. Au regard de l’œcuménisme il a écrit et signé un texte qui est un page sombre du monde chrétien : la déclaration Dominus Iesus, une déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi vaticane sur « l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de son Église » (3). Parti en guerre contre le « relativisme », le théologien allemand réaffirme le vieux dogme : « Hors de l’église catholique romaine, point de Salut » (4). Clairement, selon l’article 17 de Dominus Iesus, “il existe une seule Église de Christ, qui subsiste en l’Église Catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et par les évêques en communion avec lui. » La Fédération Protestante de France marquera sa surprise attristée devant ce texte qui déclare que les Églises nées de la Réforme du XVIe siècle “ne sont pas des Églises au sens propre du mot” ! Non que cette affirmation soit nouvelle. Mais pourquoi sa répétition aujourd’hui ? » Le théologien protestant André Gounelle note en novembre 2000 que ce « document refuse la qualité d’Église aux protestants. Ils forment tout au plus, comme on le disait dans les années soixante (avant Vatican II), des “communautés ecclésiales”. Les responsables ecclésiastiques réformés et luthériens ont justement réagi à ce point. Personnellement, il me laisse assez froid. Je me réjouis plutôt que l’Église à laquelle j’appartiens ne soit pas vraiment une Église au sens où l’entend ce catholicisme-là, c’est-à-dire une institution dogmatique, hiérarchique et autoritaire, dépositaire et gestionnaire du sacré, dispensatrice du Salut. Mais je sais que le catholicisme n’est pas que cela, et je m’attriste de voir sa réalité, que j’ai découverte avec beaucoup de respect et d’amitié, cachée et défigurée par cette Déclaration. » D’ailleurs au sein même de l’église catholique cette déclaration sème le trouble, particulièrement chez ceux qui sont engagés dans le dialogue œcuménique. Comme dialoguer si l’on affirme d’emblée sa supériorité absolue et définitive ?
Richard Bergeron, franciscain, professeur émérite de la faculté de théologie de l’Université de Montréal exprimera sa tristesse de voir son Église « s’enfermer seule dans le coffre-fort de sa vérité, étouffer dans sa solitude d’être seule à avoir raison, se pourfendre à donner des consignes qui ne sont d’ailleurs pas suivies, et être incapable de voir du bon et du vrai ailleurs que dans son sein sans se les approprier en prétendant que cela vient d’elle. Tristesse de voir les autres grandes Églises dépouillées à toute fin pratique du titre d’Églises du Christ et les autres religions réduites à des préparations évangéliques. Tristesse de voir le couperet de l’exclusivisme christologique et ecclésiologique tomber sur tout ce qui n’est pas catholique. »
Cette déclaration signée par Jean Paul II, est en retrait avec les discours de celui-ci lorsqu’il rencontre, dans ses voyages, l’église orthodoxe ou lorsqu’il prie dans la mosquée des Omeyades à Damas. En retrait aussi, par rapport à l’encyclique “Ut unum sint” qui parle à de multiples reprises des “Églises et communautés ecclésiales” chrétiennes et reconnaît que les “divergences, malgré leur importance, n’excluent pas les influences réciproques et la compréhension”.
Les débuts de Benoît XVI sont marqués par ce retour à la Tradition (jusqu’à la mitre de Pie IX ressortie des placards du Vatican), les ouvertures vers les traditionalistes et une place grandissante offerte aux membres de l’Opus Dei.
Nous ne pouvions donc être déçus, puisque nous nous attendions une glaciation de l’œcuménisme, à une rigidification de l’église catholique. Mais Joseph Ratzinger est un grand intellectuel, un homme d’analyse et de réflexion, peu préparé certes à l’exercice d’un mandat médiatique, mais d’une grande rigueur de pensée. Ses textes, ses discours sont d’une vraie profondeur spirituelle et théologique. Et l’homme confronté au réel, inspiré, pourrait-on dire, va bouger sur trois aspects qui me semblent importants. Je retiendrai trois focus :
- Le pape et le monde musulman
- Le pape et le monde anglican
- Le pape et Luther.
Le pape et le monde musulman
Tout commence très mal. À l’université de Ratisbonne en Allemagne, où il avait été professeur, le 12 septembre 2006, le pape prononce un long discours sur les rapports entre foi et raison. C’est un bref passage repris par les agences de presse, diffusé aussitôt dans le monde entier qui met le feu aux poudres. « Le problème, souligne Vincent Aucante, auteur de Benoît XVI et l’Islam dans le Point, c’est qu’il utilise, pour illustrer son propos, un texte écrit au XIVe siècle par l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, qui relate une polémique avec un érudit musulman persan à propos du djihad. “L’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, raconte Benoît XVI, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait.“
Cet extrait va mettre à mal les communautés chrétiennes minoritaires en pays musulmans : des églises sont incendiées, des attentats meurtriers sont commis, les chrétiens sont stigmatisés. L’intellectuel Ratzinger avait manifestement sous estimé ce que le pape Benoît XVI avait comme impact. Les effets dévastateurs vont conduire le pape à mesurer au millimètre ses interventions, quitte à en limiter la durée. Le voyage en Turquie est un test. Il sera « sans faute ». Le pape prie « (ou médite ?) dans la Mosquée bleue, tourné vers la Mecque et découvre, lui, le lettré que le geste a plus de portée qu’une dissertation théologique. La diplomatie vaticane a montré ce qu’elle avait de meilleur et les relations se pacifient.
Le pape va aller plus loin. Il réunit pour la première fois en synode, du 10 au 24 octobre, les 185 évêques ou vicaires patriarcaux du Moyen Orient qui sont rattachés à Rome. Ces églises souvent oubliées, maronites, chaldéennes, melkites… pratiquent les rites orientaux mais reconnaissent le primat de l’évêque de Rome. Elles vivent dans un Orient en guerre ou les conflits locaux ne les épargnent pas. Beaucoup de ces Chrétiens émigrent, ont peur, se sentent isolés, tant dans leur pays qu’en Occident où leur arabité est suspecte. Le synode va faire raisonner l’arabe sous les voûtes du Vatican. Une première. Benoît XVI écoute, découvre un monde éloigné de ses racines et encourage les travaux des évêques. Jean-Michel Cadiot, journaliste à l’AFP résume ainsi les acquis de ce synode pour le site « Dieu maintenant ».
« Ce furent des discussions à bâtons rompus, dures parfois, en public ou en privé, auxquelles le pape a assisté avec assiduité, semblant parfois découvrir un monde trop éloigné des préoccupations romaines. Mais il n’a dit “non” à rien. […] Les évêques d’Orient font valoir, presque unanimement, quatre revendications.
- Tout d’abord, le rôle de leurs patriarches (pour mémoire chaldéen, syrien-catholique, copte-catholique, maronite, arménien catholique, melkite, mais aussi latin à Jérusalem) qui devrait avoir “les coudées plus franches” vis-à-vis de leurs fidèles de la diaspora.
- Ils demandent que les prêtres orientaux mariés puissent officier en Occident, comme cela est permis aux Anglicans passés récemment au catholicisme.
- Et puis, ces Pères, en s’appuyant subtilement sur les directives bien anciennes de Léon XIII, estiment que l’Église latine doit s’abstenir de tout “prosélytisme” (…)
- L’arabe enfin, devrait devenir une des langues de l’Église. Lors des deux audiences pontificales qui se sont tenues pendant le synode, Benoît XVI a parlé en français, allemand, espagnol, polonais, et dans d’autres langues européennes. Mais pas un mot, ne serait-ce que symboliquement, en arabe ou en persan, alors qu’à quelques mètres les “chrétiens d’Orient” travaillaient ou priaient. »
La visite que fera Benoît XVI au Liban marquera cette ère nouvelle. Il s’y rend du 14 au 16 septembre 2012, à l’occasion de la signature et de la publication de l’exhortation apostolique post-synodale de l’Assemblée spéciale des évêques pour le Moyen Orient (octobre 2010). Vu la situation locale de tension avec la Syrie, le voyage aurait pu être annulé. Il n’en est rien et les Libanais vont apprécier. La controverse de Ratisbonne est oubliée, même le Hesbollah va envoyer des troupes pour saluer le passage du pape sur la route qui va de l’aéroport au centre de Beyrouth. À la Basilique Saint Paul de Harissa qui domine la baie de Beyrouth, il salue « l’heureuse cohabitation de l’Islam et du Christianisme, deux religions ayant contribué à façonner de grandes cultures, qui fait l’originalité de la vie sociale, politique et religieuse au Liban. On ne peut que se réjouir de cette réalité qu’il faut absolument encourager. »
Le pape et le monde anglican
Avec le monde anglican, tout commence là aussi très mal. La communion anglicane est traversée par de forts débats. Le primat de l’archevêque de Cantorbéry est plus honorifique que réel. Les prêtres comme les évêques peuvent se marier. Mais le débat est vif sur l’accès des femmes au ministère épiscopal et l’acceptation de la bénédiction des couples homosexuels ou de l’ordination d’homosexuels. Depuis longtemps, des courants se forment au sein de l’église anglicane, qui se rapprochent de la doctrine romaine.
Benoît XVI qui semble très préoccupé par cette frange conservatrice de l’église anglicane publie le 9 novembre 2009, une Constitution apostolique, intitulée Anglicanorum Coetibusqui prévoit que les prêtres anglicans (même mariés) qui se rallieraient à Rome bénéficieront d’un ordinariat personnel leur permettant de conserver leurs traditions, notamment liturgiques, au sein de l’Église catholique. Le quotidien britannique The Times estime que cette initiative revenait à déployer « des chars (catholiques) sur la pelouse anglicane ». L’accueil sera plutôt froid du côté protestant. Imaginons que les les protestants créent des paroisses spéciales pour recevoir les couples recomposés qui sont exclus de l’Eucharistie romaine, ce ne serait pas vécu comme un acte œcuménique par nos frères catholiques. Il en fut ainsi et à Marseille, le pasteur Frédéric Keller, lors de la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens dit simplement que cette « constitution » était choquante.
Puis lors de la visite au Royaume uni, Benoît XVI va multiplier les gestes d’apaisement et déclarera qu’anglicans et catholiques « cheminent ensemble et ne sont plus concurrents, mais sont unis dans l’engagement pour la vérité du Christ ».
En janvier 2013, Benoît XVI, en clôture de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, déclare « le dialogue, lorsqu’il reflète la priorité de la foi, permet de s’ouvrir à l’action de Dieu avec la ferme conviction que, par nous-mêmes, nous ne pouvons pas construire l’unité, mais que c’est l’Esprit Saint qui nous guide vers la pleine communion, et nous permet de recueillir la richesse spirituelle présente dans les diverses Églises et communautés ecclésiales. » (La Croix janvier 2013)
Les mots sont loin de la déclaration Dominus Iesus. En remettant à l’Esprit Saint le chemin vers la pleine communion, le pape laisse des portes ouvertes, autres que le simple ralliement à l’église romaine.
Ainsi donc fermeture en 2000, ouverture en 2013, ainsi va Benoît XVI.
Martin et Benoît
Je terminerai par la relation de Benoît XVI avec les luthériens ou plutôt directement avec Luther. Rappelons que le pape bavarois connaît parfaitement la théologie luthérienne. Il a fréquenté des théologiens protestants de renom, il vit dans un pays qui est partagé : au nord le protestantisme au sud le catholicisme. En septembre 2009, il se rend en Allemagne et l’on s’attend à un geste, à une ouverture vers la reconnaissance de la Cène ou du ministère pastoral. D’emblée Benoît XVI écarte ce type d’attitude. « « On a évoqué plusieurs fois avant ma venue, un don œcuménique […] que l’on attendait de cette visite. Je voudrais dire que ceci constitue une incompréhension politique de la foi et de l’œcuménisme. » (La Croix 23.09.2011)
De fait, on ne retiendra que cette déception. Alors que Benoît XVI se rend en Allemagne pour la troisième fois de son pontificat, il va à Erfurt, là où Luther entre chez les Augustins, est ordonné prêtre et célèbre sa première messe, le 2 mai 1507. Le discours de Benoît XVI aurait pu saluer simplement cette vocation de Martin Luther pour la prêtrise. Son discours (5) va beaucoup plus loin.
« Ce qui l’a animé (Luther), c’était la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Cette question lui pénétrait le cœur et se trouvait derrière chacune de ses recherches théologiques et chaque lutte intérieure. Pour Luther, la théologie n’était pas une question académique, mais la lutte intérieure avec lui-même, et ensuite c’était une lutte par rapport à Dieu et avec Dieu. » […]
La question : quelle est la position de Dieu à mon égard, comment je me situe moi devant Dieu ? — cette question brûlante de Luther doit devenir de nouveau, et certainement sous une forme nouvelle également notre question, non de manière académique mais réellement. Je pense que c’est là le premier appel que nous devrions entendre dans la rencontre avec Martin Luther. » […]
« La pensée de Luther, sa spiritualité tout entière était complètement christocentrique : « Ce qui promeut la cause du Christ » était pour Luther le critère herméneutique décisif dans l’interprétation de la Sainte Écriture. Cela suppose toutefois que le Christ soit le centre de notre spiritualité et que l’amour pour Lui, le vivre ensemble avec Lui oriente notre vie. »
Ces propos sont historiques en ce sens que jamais une autorité catholique, jamais un pape n’avait pu dire ou écrire que la spiritualité de Luther était « complètement christocentrique », que sa quête, qui l’oppose violemment à Rome, c’était la « question de Dieu, qui fut sa passion profonde et le ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. » Oui, j’ai bien lu « tout entier » donc y compris la période de sa vie ou il rejette le célibat, se marie et prend la direction d’un mouvement de réforme qui va ébranler l’Europe entière.
Benoît XVI est ainsi. Un affichage conservateur, un refus quasiment obsessionnel du compromis, une posture délibérément fidèle à une église de tradition. Puis des avancées intellectuelles, des inspirations, des analyses qui révèlent un homme bousculé par l’actualité, à l’écoute du monde, sensible aux chocs du réel, doté d’une volonté farouche de trouver une rationalité dans un monde irraisonné.
Le geste le plus moderne qu’il fait, sa renonciation, est prononcée en latin. Un symbole de ce pontificat charnière. L’histoire dira s’il fut une passerelle entre un catholicisme centré sur l’Europe, façonné par le XIXe siècle et une église mondialisée, plurielle, ouverte et confessante.
Christian Apothéloz
1 La Confession de foi de la Rochelle, première confession réformée en France définit ainsi les ministères : « Nous croyons que tous les vrais pasteurs, en quelque lieu qu’ils soient, ont la même autorité et une égale puissance sous un seul Chef, un seul Souverain et seul Évêque universel : Jésus-Christ. Pour cette raison, nous croyons qu’aucune Église ne peut prétendre sur aucune autre à quelque domination ou quelque souveraineté que ce soit. » L’église est alors selon la Parole de Dieu, « la communauté des fidèles qui, d’un commun accord, veulent suivre cette Parole et la pure religion qui en dépend ; qui en font leur profit tout au long de leur vie, grandissant et se fortifiant sans cesse dans la crainte de Dieu, selon qu’il leur est nécessaire de progresser et de marcher toujours plus avant. » Confession de foi de 1559, dite de la Rochelle.
2 Hans Küng, Edward Schillebeeckx o.p., Charles Curran, Roger Haight s.j., Andrew Fox, Eugen Drewermann, Tissa Balasuriya o.m.i., Josef Imbach, Leonardo Boff o.f.m. et Jon Sobrino s.j.
3 Citation du texte : « Aussi n’est-il pas permis aux fidèles d’imaginer que l’Église du Christ soit simplement un ensemble — divisé certes, mais conservant encore quelque unité — d’Églises et de Communautés ecclésiales ; et ils n’ont pas le droit de tenir que cette Église du Christ ne subsiste plus nulle part aujourd’hui de sorte qu’il faille la tenir seulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises en commun ».64 En effet, « les éléments de cette Église déjà donnée existent, unis dans toute leur plénitude, dans l’Église catholique et, sans cette plénitude, dans les autres Communautés ».
4 Déclaration approuvée par le pape Jean-Paul II le 16 juin 2000.
5 Rencontre avec les représentants du Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, discours du pape Benoît xvi, Salle du Chapitre de l’ex-couvent augustinien de Erfurt Vendredi 23 septembre 2011 (Libreria Editrice Vaticana).