4,9 milliards ! Le feuilleton de la Société générale n’en finit pas d’alimenter les médias.
Au-delà du mauvais polar, il faut revenir à l’essentiel. Une banque a pu perdre en quelques jours l’équivalent du tiers du paquet fiscal, le tiers du trou de la sécu (12 milliards). Ou le quart des pertes cumulées du Crédit lyonnais (16,8 milliards d’euros, 110 milliards de francs).
La défense de Daniel Bouton accusant Kerviel de « terrorisme » restera dans les annales comme un sommet de la non-communication de crise. La photo de « gendre parfait » publiée depuis accrédite mal la thèse du Jérôme terroriste. Devenu star du Web, il apparaît plus comme un petit joueur pris à son propre piège que comme un grand génie maléfique, comme l’âme d’un vaste complot prémédité.
La machine Société générale a déraillé et son pilote décline ses responsabilités. Pourtant les banques se sont donné des règles de contrôle draconiennes, règles dites de Bâle 2. Chaque client est évalué, son risque calculé, chaque crédit est provisionné en fonction de ce risque et la banque doit y ajuster ses fonds propres. C’était la condition sine qua non d’un système financier mondial saint et équilibré, nous disait-on. Le pays des subprimes n’était pas en reste. La bonne gouvernance imposait de changer toutes les règles du back-office.
Nous contrôlons les crédits pendant que les marchés s’amusent et que les banques cèdent leurs créances contre des titres frelatés.
Nos organismes de contrôle, commission bancaire en tête qui savent faire preuve d’un pointillisme redoutable n’ont rien vu. On ose nous dire que rien n’était visible et que finalement, c’est la faute à « pas de chance ».
On peut donc, dans ce pays, toucher un des meilleurs salaires d’Europe, perdre 7 milliards (eh oui aux 4,9 de Kerviel, il faut ajouter deux milliards de subprimes qui n’ont pas encore trouvé leur terroriste !) et rester dans son fauteuil.
Je ne connais pas M. Daniel Bouton. Et ça l’inquiète depuis longtemps. Lorsque je faisais partie d’un panel de relais d’opinions, un institut de sondage me demandait régulièrement ce que je pensais de M. Daniel Bouton et invariablement, au grand dépit de la téléactrice je répondais : « rien ». Il vient enfin de trouver le moyen, un peu onéreux, d’augmenter sa notoriété et de susciter une opinion. Oui, après un tel le fiasco, il faut qu’il parte. Non parce qu’il est coupable d’une faute, la justice le dira, mais parce qu’il est responsable du désastre et qu’il était payé pour l’éviter, tout simplement. Et il est assez significatif que François Hollande se soit élevé pour défendre Daniel Bouton et demander son maintien au gouvernail. Étonnante défense socialiste d’un homme peu connu pour ses penchants de gauche, une défense commune de l’irresponsabilité, un syndicat du statu quo. Le numéro un d’un parti politique peut perdre lamentablement plusieurs élections de suite et il reste en place, le numéro un d’une banque peut perdre 7 milliards à l’insu de son plein gré et il reste en place. C’est la sécurisation des parcours professionnels.
Le petit patron, la caissière de Carrefour devront attendre pour bénéficier d’une telle sollicitude. Pour eux, la première erreur entraîne la chute. Il n’y a pas alors de conseil d’administration bienveillant pour refuser un départ ou de comité d’audit pour noyer le poisson.
Car, la situation de M. Daniel Bouton est assez simple. Soit, il ne savait pas qu’un tel détournement de procédure était possible chez lui, il ne savait pas qu’un petit trader avait la capacité de jouer avec 50 milliards. Il n’était donc pas informé de ce qui se passait dans son entreprise. Il doit donc changer de métier, le premier job d’un patron est de savoir ce qui se passe chez lui.
Soit, il savait, ou il faisait semblant de ne pas savoir jusqu’à la chute et il est complice de la défaillance. Dans les deux cas, rien ne justifie la mansuétude de nos autorités de contrôles.
Cette affaire a des effets collatéraux catastrophiques. Comment défendre l’entreprise, le marché, l’initiative, la créativité des entrepreneurs quand des « stars » du CAC 40 donnent une image de gâchis impuni, de mépris des règles, d’irresponsabilité permanente et rémunérée.
Je suis de ceux qui considèrent que le risque mérite salaire, j’ai une réelle admiration pour ceux qui ont su anticiper, inventer, gérer, bouger et entraîner des équipes, faire gagner leur entreprise. Ceux-là, ceux que je reçois chaque semaine sur Radio dialogue méritent le respect et ils méritent leur patrimoine.
L’affaire de la Société générale comme hier celle d’Eads polluent notre économie et entretiennent la défiance pour l’entreprise. C’est un frein à la mobilisation des salariés, des jeunes en particulier dans l’entreprise, donc un frein à la croissance…