Le journaliste : déblog'notes

Daniel, François et la sécurisation parcours professionnels

par | 01 février 2008

4,9 mil­liards ! Le feuille­ton de la Société géné­rale n’en finit pas d’alimenter les médias.

Au-delà du mau­vais polar, il faut reve­nir à l’essentiel. Une banque a pu perdre en quelques jours l’équivalent du tiers du paquet fis­cal, le tiers du trou de la sécu (12 mil­liards). Ou le quart des pertes cumu­lées du Crédit lyon­nais (16,8 mil­liards d’euros, 110 mil­liards de francs).

La défense de Daniel Bouton accu­sant Kerviel de « ter­ro­risme » res­te­ra dans les annales comme un som­met de la non-communication de crise. La pho­to de « gendre par­fait » publiée depuis accré­dite mal la thèse du Jérôme ter­ro­riste. Devenu star du Web, il appa­raît plus comme un petit joueur pris à son propre piège que comme un grand génie malé­fique, comme l’âme d’un vaste com­plot prémédité.

La machine Société géné­rale a déraillé et son pilote décline ses res­pon­sa­bi­li­tés. Pourtant les banques se sont don­né des règles de contrôle dra­co­niennes, règles dites de Bâle 2. Chaque client est éva­lué, son risque cal­cu­lé, chaque cré­dit est pro­vi­sion­né en fonc­tion de ce risque et la banque doit y ajus­ter ses fonds propres. C’était la condi­tion sine qua non d’un sys­tème finan­cier mon­dial saint et équi­li­bré, nous disait-on. Le pays des sub­primes n’était pas en reste. La bonne gou­ver­nance impo­sait de chan­ger toutes les règles du back-office.

Nous contrô­lons les cré­dits pen­dant que les mar­chés s’amusent et que les banques cèdent leurs créances contre des titres frelatés.

Nos orga­nismes de contrôle, com­mis­sion ban­caire en tête qui savent faire preuve d’un poin­tillisme redou­table n’ont rien vu. On ose nous dire que rien n’était visible et que fina­le­ment, c’est la faute à « pas de chance ».

On peut donc, dans ce pays, tou­cher un des meilleurs salaires d’Europe, perdre 7 mil­liards (eh oui aux 4,9 de Kerviel, il faut ajou­ter deux mil­liards de sub­primes qui n’ont pas encore trou­vé leur ter­ro­riste !) et res­ter dans son fauteuil.

Je ne connais pas M. Daniel Bouton. Et ça l’inquiète depuis long­temps. Lorsque je fai­sais par­tie d’un panel de relais d’opinions, un ins­ti­tut de son­dage me deman­dait régu­liè­re­ment ce que je pen­sais de M. Daniel Bouton et inva­ria­ble­ment, au grand dépit de la téléac­trice je répon­dais : « rien ». Il vient enfin de trou­ver le moyen, un peu oné­reux, d’augmenter sa noto­rié­té et de sus­ci­ter une opi­nion. Oui, après un tel le fias­co, il faut qu’il parte. Non parce qu’il est cou­pable d’une faute, la jus­tice le dira, mais parce qu’il est res­pon­sable du désastre et qu’il était payé pour l’éviter, tout sim­ple­ment. Et il est assez signi­fi­ca­tif que François Hollande se soit éle­vé pour défendre Daniel Bouton et deman­der son main­tien au gou­ver­nail. Étonnante défense socia­liste d’un homme peu connu pour ses pen­chants de gauche, une défense com­mune de l’irresponsabilité, un syn­di­cat du sta­tu quo. Le numé­ro un d’un par­ti poli­tique peut perdre lamen­ta­ble­ment plu­sieurs élec­tions de suite et il reste en place, le numé­ro un d’une banque peut perdre 7 mil­liards à l’insu de son plein gré et il reste en place. C’est la sécu­ri­sa­tion des par­cours professionnels.

Le petit patron, la cais­sière de Carrefour devront attendre pour béné­fi­cier d’une telle sol­li­ci­tude. Pour eux, la pre­mière erreur entraîne la chute. Il n’y a pas alors de conseil d’administration bien­veillant pour refu­ser un départ ou de comi­té d’audit pour noyer le poisson.

Car, la situa­tion de M. Daniel Bouton est assez simple. Soit, il ne savait pas qu’un tel détour­ne­ment de pro­cé­dure était pos­sible chez lui, il ne savait pas qu’un petit tra­der avait la capa­ci­té de jouer avec 50 mil­liards. Il n’était donc pas infor­mé de ce qui se pas­sait dans son entre­prise. Il doit donc chan­ger de métier, le pre­mier job d’un patron est de savoir ce qui se passe chez lui.

Soit, il savait, ou il fai­sait sem­blant de ne pas savoir jusqu’à la chute et il est com­plice de la défaillance. Dans les deux cas, rien ne jus­ti­fie la man­sué­tude de nos auto­ri­tés de contrôles.

Cette affaire a des effets col­la­té­raux catas­tro­phiques. Comment défendre l’entreprise, le mar­ché, l’initiative, la créa­ti­vi­té des entre­pre­neurs quand des « stars » du CAC 40 donnent une image de gâchis impu­ni, de mépris des règles, d’irresponsabilité per­ma­nente et rémunérée.

Je suis de ceux qui consi­dèrent que le risque mérite salaire, j’ai une réelle admi­ra­tion pour ceux qui ont su anti­ci­per, inven­ter, gérer, bou­ger et entraî­ner des équipes, faire gagner leur entre­prise. Ceux-là, ceux que je reçois chaque semaine sur Radio dia­logue méritent le res­pect et ils méritent leur patrimoine.

L’affaire de la Société géné­rale comme hier celle d’Eads pol­luent notre éco­no­mie et entre­tiennent la défiance pour l’entreprise. C’est un frein à la mobi­li­sa­tion des sala­riés, des jeunes en par­ti­cu­lier dans l’entreprise, donc un frein à la croissance…