Dans un temps où les bonnes nouvelles sont rares, le résultat des municipales du 31 mars en Turquie mérite un temps d’arrêt. Depuis plus de 20 ans, Recep Tayyip Erdoğan tient d’une main de fer la première puissance économique du Moyen-Orient. Il a usé et abusé de tous ses pouvoirs : purges dans la fonction publique, coup d’État raté de 2016, mise au pli des médias, transformations constitutionnelles, répression contre tous les opposants, en particulier kurdes.
La Turquie a donné l’image d’une dictature. Mais si le patron du Parti de la justice et du développement est bien un autocrate, les dernières élections municipales démontrent que la Turquie reste une grande démocratie. Erdoğan s’était engagé personnellement dans la reconquête de la métropole stambouliote et de ses 16 millions d’habitants. Il a perdu les cinq plus grandes villes du pays : Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa et Antalya. Et a reconnu son échec.
C’est donc un réveil démocratique, au-delà des supputations sur les prochains scrutins, avec des institutions qui ont résisté à vingt années régressives. Et, deuxième surprise, ce n’est pas un leader sorti d’une bulle médiatique qui l’emporte, mais un très vieux parti, centenaire, le Parti républicain du peuple, fondé par Kemal Atatürk. Ce leader qui fit entrer la Turquie à marche forcée dans la modernité et la laïcité, condamnant le voile et le kéfié, donnant le droit de vote aux femmes, 20 ans avant la France, défendant une Turquie radicalement indépendante. À suivre …
Pour l’Oeil de Réforme 23 avril 2024