La Diact, la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, notre ex Datar vient de sortir une étude sur la dynamique et le développement durable des territoires en Europe. Dans la synthèse, (disponible ci-dessous) notre région se retrouve en bonne position.
Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une analyse conjoncturelle et que tout lien avec la crise actuelle serait non avenu. Les analyses s’appuient sur les évolutions des chiffres de 1999 à 2005.
Que découvre-t-on ?
D’abord au regard du PIB ? Le produit intérieur brut, la France produit plus que sa part dans la population européenne : 15,6 % de la production alors que nous ne représentons que 12,8 % de la population.
À l’échelle des régions, Paca se situe au 15° rang, Île de France en premier devant Londres ou la Lombardie, Rhône Alpes est 7°, mais la première région française après Paca, le Nord, est loin au 24° rang.
Bon palmarès donc avec une autre bonne nouvelle, c’est que ce classement est le résultat d’une dynamique positive, nous sommes, parmi les 50 plus grandes régions européennes une de celles qui affichent une dynamique des plus vives, (plus de 2 % de croissance du PIB) alors que les autres régions françaises qui nous devancent ont un rythme plus alangui de progression.
Notre région s’inscrit ainsi dans un basculement de la géographie économique française : les régions de l’Ouest et du Sud prennent le leadership du développement tandis que les anciennes régions industrielles, le Nord et l’Est souffrent de reconversions inachevées et douloureuses.
Croissance du PIB qui est corroborée avec une natalité vigoureuse. Provence Alpes Côte d’Azur compte plus d’un million de jeunes de moins de 20 ans, elle fait partie des quatre régions françaises « millionnaires » en jeunes avec Île de France, Rhône-Alpes et Nord.
Paca affiche un PIB tonique. Elle est classée deuxième de France pour le PIB par habitant. Mais ceci explique cela, elle est la première en PIB par emploi. Donc, hors Paris Paca est la région où chaque salarié en activité créée le plus de valeur en France.
Notre croissance est donc solidement ancrée sur la jeunesse et l’intelligence.
Ce sont les fruits d’une longue mutation.
Au risque d’être politiquement incorrect, j’y vois naturellement le tropisme des régions littérales et l’attractivité pour l’industrie des régions touristiques. Mais aussi des politiques régionales qui ont appuyé dans le bon sens.
Il y eut trois étapes
L’âge des pionniers. Lorsque la région n’est qu’un établissement public régional, que Gaston Defferre, puis Michel Pezet sont à la présidence, des acteurs autour de Philippe Langevin nous font découvrir l’espace régional. On en connaît à peine les contours, l’économie est une boîte noire et l’on découvre peu à peu ses points forts : sa recherche, la nouveauté de son développement économique, le tourisme, sa façade méditerranéenne et ses richesses alpines. On pense alors plus à son « désenclavement » sans percevoir que ce sera l’économie numérique qui va désenclaver la région et pas les tunnels ou les autoroutes.
La seconde étape décisive est le lancement de la Route des hautes technologies en 1986 par le conseiller régional en charge de l’économie sous Jean Claude Gaudin, Jean Louis Geiger. Ce concept totalement construit s’inspire des USA, sur le modèle de la route « 128 » de Boston, mais il a le mérite, toutes proportions gardées, de donner un coup de projecteur sur des pôles en gestation et de les accrocher à une locomotive technologique et médiatique connue Sophia Antipolis. Cette route fait que les acteurs de l’Est et de l’Ouest, dépassant à muraille de l’Estérel, se parlent et commencent à construire une identité économique régionale. Parallèlement le conseil régional lance une campagne de communication qui prend à rebrousse-poil les exégètes du territoire. PACA proclame alors « L’avenir gagne le sud » et le publicitaire de génie, Gérard Gineste, qui inventa ce slogan distribue aux journalistes une boussole qui indique le Sud ! Nous sommes alors en plein « désespoir territorial » : l’image de l’Europe est celle de la banane bleue, la dorsale européenne ou mégalopole européenne qui évite soigneusement notre région. Les flux et les richesses révélés par Roger Brunet traversent l’Europe du Lancashire à la Toscane. La région PACA est hors jeu et même lorsque l’on inclut une mini-banane vers Barcelone, elle part de Lyon et nous laisse un triangle voué au tourisme et au désert industriel.
Cette communication volontariste était en fait anticipatrice puisque la nouvelle carte des richesses nationales dessine un arc de développement sur les régions littorales méditerranéenne et atlantique.
La troisième étape est contemporaine, elle est celle où nos institutions reconnaissent la valeur du service et du service à valeur ajoutée et surtout mettent en place à travers le Schéma régional de développement économique adopté à l’unanimité des conseillers régionaux en juin 2006. Certes le schéma démarre après 2005 et ne peut donc être à l’origine des bons chiffres 99–2005, mais il intègre les facteurs de développement de cette nouvelle économie régionale et lui donne des moyens : innovation, travail en cluster, ouverture sur la Méditerranée et formation.
Pour autant tout va-t-il au mieux ?
L’analyse de la DIACT permet de discerner trois points de défaillances.
- Tout d’abord notre investissement dans la recherche est encore trop faible. La France et l’Europe sont autour de 2 %, les USA à 2,7, le Japon à 3,2. PACA est dans la moyenne française, mais Rhône-Alpes fait le double avec 4,1 de son PIB dans les labos !
- Une cohésion sociale fragile. L’écart des revenus dans la métropole régionale est des plus élevés et il y a comme on dit dans le jargon, des « poches de précarité » avec une exclusion durable du marché du travail, des zones de pauvreté en particulier dans la région marseillaise. Pour résumer : ceux qui travaillent ont une forte productivité et des bons salaires, mais ceux qui sont exclus le sont durablement. C’est intenable.
- Enfin l’artificialisation du territoire, (en gros le bétonnage et goudronnage), source de changements climatiques, est des plus forte sur toute la zone côtière et périurbaine. Nous sommes là malheureusement dans le peloton de tête des mauvais élèves. Les lois Littoral et Montagne protègent un peu, mais sont encore l’objet d’attaques et d’entorses permanentes, il est temps non seulement de les appliquer fermement mais de s’interroger sur leur adéquation à la nouvelle donne climatique.
Christian Apothéloz