Le journaliste : enquêtes et reportages

Chambre régionale des comptes de Paca : Alain Seyriex remet les comptes à zéro

par | 15 juillet 1993

Article paru dans le Nouvel Économiste.

Les “obser­va­tions défi­ni­tives” de la chambre régio­nale des comptes sont la bête noire des élus. Grisés par la décen­tra­li­sa­tion, ils se sont crus mana­gers. S’arrogeant le droit de contour­nant les lois en créant moultes struc­tures paral­lèles : Sem ou asso­cia­tions, “plus souples” dit-on que le contrôle du comp­table public. Effrayé par les pra­tiques de Jacques Médecin à Nice qui détour­nait qua­si­ment la moi­tié du bud­get muni­ci­pal sur des asso­cia­tions, Alain Serieyx a mis au pli toutes les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales de la région.

Dernière ins­pec­tion en date : Marseille Animation. Pas de détour­ne­ment au Panama ici, mais une uti­li­sa­tion un peu cava­lière de l’argent public. En juin 1989, par exemple, Robert Vigouroux invite un cer­tain nombre de per­son­na­li­tés pari­siennes au match de l’OM. Sur un coup de fil de Pierre Bonneric, direc­teur adjoint du cabi­net du maire, les 205 000 francs du voyage étaient fac­tu­rés à l’association. Et même si une sub­ven­tion a par la suite cou­vert cette mon­da­ni­té, la chambre des comptes main­tient ses pour­suites pour ges­tion de fait. Plusieurs voyages, aux Indes, au Yemen, an Vietnam, à Chatellerault pour une conven­tion du PS, effec­tués par Jeanne Mazel, conseillère muni­ci­pale char­gée de l’action fémi­nine ont ain­si été réglés par Marseille Animation.
Les limiers de la chambre régio­nale ne laissent rien pas­ser. Depuis, Robert Vigouroux y a mis bon ordre. En 1990, les acti­vi­tés de Marseille Animation ont été inté­grées aux ser­vices muni­ci­paux. L’action y a per­du en faci­li­té de ges­tion, en viva­ci­té. (Les sala­riés doivent entrer dans le sta­tut de la fonc­tion publique, les enga­ge­ments finan­ciers ont la len­teur des comp­ta­bi­li­tés publiques…)Dans la fou­lée, une asso­cia­tion qui gérait les actions en direc­tion des jeunes chô­meurs a elle aus­si été réin­té­grée aux ser­vices. Et toutes les col­lec­ti­vi­tés locales de la région ont emboî­té le pas. Les élus du Var ont dû rem­bour­ser les billets d’avions de leurs épouses et com­pagnes qui les accom­pa­gnaient dans des mis­sions de Promovar.
Le Conseil régio­nal vient plus radi­ca­le­ment de reti­rer ses mis­sions à Promo Paca, asso­cia­tion qui assu­rait la pro­mo­tion inter­na­tio­nale de la région . Idem pour l’Office régio­nal de la mer. Le Conseil géné­ral a mis en som­meil l’association qui gérait en lieu et place de la col­lec­ti­vi­té locale sa com­mu­ni­ca­tion. La sanc­tion encou­rue est en effet dis­sua­sive. Un élu pré­si­dant une asso­cia­tion accu­sée de ges­tion de fait est cas­sé de son man­dat élec­tif !
La chasse aux maires pré­si­dents, s’est dou­blée d’une chasse aux maires mana­gers. Pour Alain Serieyx, les deniers publics ne doivent pas ali­men­ter des acti­vi­tés à risques éco­no­miques. Terrain de pré­di­lec­tion de ces mon­tages dan­ge­reux : les Alpes du Sud. Des pro­mo­teurs obtiennent trop faci­le­ment des garan­ties d’emprunts, des cau­tions, subor­donnent leurs loyers aux recettes et ain­si inversent la rela­tion avec les col­lec­ti­vi­tés locales. Le pri­vé agit en sécu­ri­té alors que le maire doit assu­mer par­fois pour très long­temps les erreurs de ges­tions. Briançon n’est que la par­tie visible de l’iceberg. La ville est condam­née à rem­bour­ser ses dettes sur 25 ans avec un taux d’imposition maxi­mum. La com­mune ne peut dépen­ser plus de 20 MF par an, les effec­tifs muni­ci­paux devront décroître de 500 à 300 per­sonnes. D’autres com­munes sont dans le col­li­ma­teur : Orcières-Merlette a surin­ves­ti dans des remon­tées méca­niques, un ensemble aqua­tique, une pati­noire, tous équi­pe­ments qui n’ont pas tour­né à plein pen­dant les trois années sans neige qu’ont connues les Alpes du Sud. Allos, une autre sta­tion de 700 habi­tants a vu évo­luer l’annuité de sa dette de 4,7 à 17 mil­lions entre 86 et 91. Sur 6 exer­cices, dénonce la Chambre des comptes, la perte est de 16 MF qui s’ajoutent aux 17.50 MF de la socié­té d’économie mixte. Impasse finan­cière qui fait redou­ter le pire : la plu­part des com­munes ont une garan­tie d’emprunts auprès des Conseils géné­raux. Et les banques pour­raient, si les annui­tés ne sont tou­jours pas sol­dées, les faire jouer. Les 250 000 habi­tants de deux dépar­te­ments se trou­ve­raient ain­si sou­mis à des condi­tions dras­tiques d’économies.
La région paie ain­si le prix du tou­risme, elle reçoit en été le double de sa popu­la­tion, et essuie les plâtres de la décen­tra­li­sa­tion. Les banques qui se font tirer l’oreille pour rééche­lon­ner leur cré­dit, ont en même temps pla­cé des emprunts sans se sou­cier de la capa­ci­té d’endettement des com­munes. Le Crédit local de France a don­né, après l’affaire d’Angoulême un coup de frein à tous ses enga­ge­ments, pri­vi­lé­giant l’audit des muni­ci­pa­li­tés et la mise au point d’un véri­table “sco­ring” des com­munes. La ten­dance reste forte pour les élus de mettre en concur­rence des ins­ti­tu­tions ban­caires pour mettre en chan­tier leurs pro­jets, au risque de signer des chèques en blancs sur les pro­chains man­dats. Les com­munes de la région sont en effet selon une étude de l’Insee plus dépen­sières que dans le reste de la France : 47 % de plus que la moyenne. L’endettement suit : l’annuité de la dette dépasse de 50 % la moyenne natio­nale et la dette en capi­tal est supé­rieure de 67 %. Les petites com­munes sont d’ailleurs les plus accrocs à la dépense : les villes de moins de 10 000 habi­tants empruntent deux fois plus que le reste de la France soit 1255 francs par habi­tants et par an.