Le journaliste : enquêtes et reportages

Côtes-du-Rhône : de la vente à la cave à l’œnotourisme responsable

par | 01 mars 2022

Article pour Gomet’ décembre 2021

Le deuxième vignoble de France, les vins des Côtes-du-Rhône, se mobi­lise pour opti­mi­ser et péren­ni­ser les fruits du ter­roir. L’export et la grande dis­tri­bu­tion repré­sentent 70 % des ventes et sont mas­si­ve­ment tirés par la vente des vins rouges d’abord, à 75 %, et des rosés qui repré­sentent 16 % de la pro­duc­tion. Et la dis­tri­bu­tion dite tra­di­tion­nelle, qui regroupe les CHR, cafés hôtels-restaurants et la vente directe, repré­sente 22 % des trois mil­lions d’hectolitres ven­dus. Dont envi­ron 10 % pour la vente directe. Un dixième c’est peu, mais c’est ce type de vente qui laisse le plus de marge aux pro­duc­teurs. Les vignobles ont mul­ti­plié les ventes directes à la cave, en s’organisant pour séduire le cha­land. Mais les plus avan­cés déve­loppent les acti­vi­tés d’œnotourisme qui fidé­lisent le client et lui offrent une expé­rience inou­bliable du vignoble et de la vinification.

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Se conver­tir au « slow tourisme »

Inter Rhône, l’interprofession qui ras­semble les pro­fes­sion­nels de la viti­cul­ture et du négoce de la Vallée du Rhône[1] incite depuis une dizaine d’années les pro­fes­sion­nels à s’engager dans cette voie avec une jour­née annuelle d’échanges et de for­ma­tion, les Rendez-vous de l’œnotourisme, un évè­ne­ment pro­fes­sion­nel deve­nu incon­tour­nable. Cette année, les pro­fes­sion­nels se sont réunis au Palais des papes autour du thème du tou­risme durable. Le consul­tant d’Inter Rhône, les a invi­tés à se conver­tir au « slow tou­risme ». Adieu le par­king pour car avec ses 50 tou­ristes qui déboulent pour faire un sel­fie devant un ton­neau et remontent fis­sa vers l’étape sui­vante. « Il faut, dit-il réen­chan­ter l’expérience du visi­teur, ména­ger l’effet waouh, créer la sur­prise. » Cette muta­tion de l’offre est béné­fique pour la cave témoignent des pro­fes­sion­nels. Un achat moyen de deux bou­teilles sera mul­ti­plié par cinq ou dix, si le voya­geur a vécu un moment intense et unique. Deux condi­tions : tou­jours prendre le temps d’accompagner, d’écouter, d’expliquer, de par­ta­ger et faire vivre une expé­rience émo­tion­nelle. Les vigne­rons ne manquent pas d’imagination. Le Domaine de la Tuilière dans le Luberon pro­pose des ren­contres lit­té­raires. Ancienne fabrique de tuiles, la Tuilière est aujourd’­hui une demeure « d’hôtes de charme » et un domaine viti­cole et oléi­cole. Le Mas Caron mixe lui aus­si héber­ge­ment, mais en gîte et une exploi­ta­tion de 11 hec­tares. Repas et balades péda­go­giques dans le vignoble attirent dans ce domaine du Ventoux repris par un couple pari­sien, Cerise et Marc Boulon.

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Une visite vin­tage des Dentelles de Montmirail

Le Château de Sannes implan­té dans le parc régio­nal du Luberon asso­cie le patri­moine du domaine, ses jar­dins à la fran­çaise avec des sen­tiers vers les mou­lins à vent ou dans les truf­fières et oli­ve­raies. Et si le stress est encore là vous pour­rez vous ini­tier à la syl­vo­thé­ra­pie ou pra­ti­quer le yoga dans les vignes. À Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse, le Domaine du Rocher des Dames, accueille vos nuits dans un inso­lite gîte tonneau.

Le Domaine de Poulvarel, situé à 6 km du Pont du Gard, pro­pose une acti­vi­té plus inso­lite : la visite des tun­nels antiques romains situés à Sernhac. Cyclistes et ran­don­neurs sont éga­le­ment les bien­ve­nus pour une boucle de l’Aqueduc. Le domaine Saint Luc, dans la Drome, orga­nise en sai­son, des week-ends autour de la truffe. Le Mas des Tourelles à Beaucaire recons­ti­tue des ven­danges romaines, comme si vous y étiez, avec fou­lage et pres­su­rage du rai­sin dans la cave gallo-romaine recons­ti­tuée. Le domaine de Rocheville à Nyons offre, lui, sim­ple­ment une aire d’accueil pour camping-car avec bran­che­ment élec­trique. Fred Haut, patron du Domaine de la Tourade à Gigondas fait par­ta­ger sa nos­tal­gie des six­ties avec une visite à bord d’un com­bi Volkswagen d’époque du vignoble accro­ché sur les flancs des Dentelles de Montmirail.

Cyclotourisme et œnotourisme

Le cyclo­tou­risme est une voie de déve­lop­pe­ment. Les caves, les gîtes et chambres doivent s’adapter et offrir un abri à vélo et des bornes de recharges pour les bat­te­ries. La sélec­tion d’une exploi­ta­tion sur un réseau réfé­ren­cé de cyclo­tou­risme, sur les vélo­routes, génère une aug­men­ta­tion de fré­quen­ta­tion de 20 %.

La créa­ti­vi­té des 5 000 exploi­tants se déploient sur un ter­roir éten­du, qui part des Costières de Nîmes passe au Luberon, inclut le Vivarais, fait un détour par la clai­rette de Die et remonte jusqu’à Vienne avec les vins de l’Hermitage. Hébergement, mobi­li­té, res­tau­ra­tion et visites sont les ingré­dients de cette diver­si­fi­ca­tion et d’une attrac­ti­vi­té nou­velle des vignobles du Rhône.

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Une offre oenotouris­tique labellisée

La liste s’allonge chaque année avec les « Rendez-vous Terroirs » une offre oeno­tou­ris­tique label­li­sée par la démarche Inter Rhône. Depuis 2014, Inter Rhône décerne une « dis­tinc­tion œno­tou­risme » afin de rendre l’offre oeno­tou­ris­tique rho­da­nienne plus lisible auprès des tour-opérateurs et aus­si des tou­ristes fran­çais et étran­gers qui sou­haitent décou­vrir le vignoble autre­ment. Les offres sont com­mer­cia­li­sables pour la pro­chaine sai­son tou­ris­tique, recen­sées sur le site www.vins-rhone-tourisme.fr et maté­ria­li­sées par une feuille dorée appo­sée sur une plaque à l’entrée du caveau.

Le pré­sident depuis un an d’Inter Rhône, vigne­ron, à la tête d’une coopé­ra­tive, la Maison Sinnae à Chusclan, veut prendre le virage vers un tou­risme res­pec­tueux et durable. « Aujourd’hui, dit-il, les vigne­rons de la val­lée du Rhône sont déjà très enga­gés sur les cri­tères de dura­bi­li­té́ sur la par­tie pro­duc­tion notam­ment par la mise en place de chartes pay­sa­gères et envi­ron­ne­men­tales, de dif­fé­rents labels, etc. Il est néces­saire de gagner en cohé­rence et d’orienter en dou­ceur vers l’intégration de cri­tères envi­ron­ne­men­taux dans la mise en place d’actions ou d’évènements œno­tou­ris­tiques. Plus de 500 entre­prises des Vignobles de la Vallée du Rhône res­pectent la charte de qua­li­té́ d’accueil au caveau, par­mi les­quelles 85 sont lau­réates de la dis­tinc­tion Œnotourisme » se féli­cite Philippe Pellaton, Président d’Inter-Rhône.

Face à la décon­som­ma­tion des vins notre éco­no­mie doit se réin­ven­ter Philippe Pellaton.

Reste la ques­tion du finan­ce­ment et de l’équilibre éco­no­mique de cet œno­tou­risme durable. « Ça prend du temps recon­naissent les pro­fes­sion­nels, tout se fait sur une base humaine de convi­via­li­té. C’est un pari sur l’avenir » Entre la tari­fi­ca­tion des balades, les kits « visite dégus­ta­tion », les concerts, les viti­cul­teurs tente d’amortir l’investissement. Ceux qui s’en sortent le mieux ont conçu l’activité « hôte­lière » non comme un simple appoint, mais comme une res­source et un busi­ness à part entière.

Mais tous recon­naissent que la fidé­li­sa­tion du public passe par ce slow tou­risme. « Face à la décon­som­ma­tion des vins notre éco­no­mie doit se réin­ven­ter », affirme Philippe Pellaton.


[1] Les vins des AOC de la région : Côtes du Rhône (régio­nal, vil­lages ou Crus), des Costières de Nîmes, Clairette de Bellegarde, Luberon, Ventoux, Grignan les Adhémar, Côtes du Vivarais, Duché d’Uzès, Château-Grillet, Crémant de Die, Clairette de Die, Chatillon en Diois, Coteaux de Die, des vins doux natu­rels Muscat de Beaumes de Venise et Rasteau et des Eaux de vie de vins des Côtes du Rhône ou Fine des Côtes du Rhône.