Article paru dans le Nouvel Économiste.
Le combat est feutré, mais tous les coups sont permis. L’enjeu est de taille : traiter les ordures ménagères de la métropole marseillaise. Plus d’un milliard d’investissements.
Le lieu est inaccessible. Interdit aux visiteurs. Sauf les gabians*. Sur 60 hectares, à Entressen, près de Saint Martin de Crau, la ville de Marseille déverse chaque jour 1000 tonnes de déchets ménagers sans aucun traitement. 15 millions de tonnes ont été ainsi accumulés sur une hauteur de 15 mètres. Une décharge qui fait la célébrité de Marseille auprès des écologistes européens. La loi sur les déchets de Brice Lalonde a enfin décidé les édiles phocéens à agir. Le Brgm fait les premières études sur l’impact de ce dépôt sur la nappe phréatique et sur les sols. Les premières études datent de 1989, mais c’est en 1991, que la Ville lance un appel d’offres. L’un des derniers marchés de cette ampleur et qui a conduit les plus grands à s’associer pour présenter leur offre. Waste management, le géant américain des déchets et Sae ont ainsi fait ensemble leur premier pas en créant Auxiwaste. La Lyonnaise et la Générale, déjà associées dans la gestion des eaux de la ville, soumissionnent ensemble. Et l’outsider EDF s’est associé à la Caisse des dépôts dans Pronergies. Chaque groupe s’est adjoint un cabinet de communication pour conduire ses actions de lobbying. Tersud planche pour Edf, Francom Paris pour la SAE et Francom Marseille pour le groupe Générale/Lyonnaise. Intox et rectificatifs se succèdent. Chacun tentant de discréditer l’adversaire, au nom de l’environnement bien sûr. Ou de la morale. Plus discrets, certains ont donné au maire des gages de bonne volonté. La Générale des eaux a fait quelques gestes significatifs pour l’aménagement de la Porte d’Aix ou pour la Cité de la biotique.
Technologiquement, le dossier est complexe. Et soigneusement tenu secret par les services de la ville. Tous les protagonistes prévoient un mix de tri et d’incinération. Pour la Générale et la Lyonnaise, comme pour Edf, deux sites d’incinération seraient implantés à Saint Menet, dans la vallée de l’Huveaune et à Saint Louis, dans les quartiers nord. L’énergie ou la chaleur produite serait revendue aux industriels locaux… ou à Edf. Un centre de tri-compostage serait mis en place. L’investissement est chiffré à 1,3 milliard de francs. Waste management, propose un choix très différent des deux autres. Il utilise les mêmes sites mais pour des installations de tri-valorisation. Un tri mécanique qui permet d’obtenir une partie combustible, compactée en briquettes, une partie organique en compost et une partie métallique transformée en lingots. Seul défaut le traitement laisse 30 % de déchets ultimes contre 10 % pour les autres. Les briquettes d’Auxiwaste seraient acheminées à Gardanne où serait installée une chaudière ad hoc, ce qui conforterait le pôle combustion propre que la Région veut créer pour suppléer au déclin de la mine.
Pour le traitement d’Entressen, les avis divergent… les budgets aussi entre 70 et 300 MF. Du compostage au simple enfouissement avec une ceinture étanche, tout est possible.
Côté mairie, on souhaite que cette réalisation soit exemplaire. « Nous voulons, affirme Georges Enovkian, conseiller municipal chargé du dossier, que l’on visite les usines de traitement, comme on visite aujourd’hui notre station d’épuration ». Le débat reste feutré, technique, et financier. Mais que font les écolos ?
Christian Apothéloz avec Anne-Françoise Robert
* Des milliers de mouettes se nourrissent sur place et leur vol est le seul signe visible, ajouté à l’odeur, qui permet de repérer la décharge depuis la voie ferrée.