Le journaliste : enquêtes et reportages

Gardanne : l’impossible reconversion ?

par | 15 juin 1993

Article paru dans le Nouvel Économiste.

Faut-il sub­ven­tion­ner le tra­vail plu­tôt que de finan­cer le chô­mage ? Le débat que l’on croyait empor­té par les solu­tions libé­rales est relan­cé avec les dif­fi­cul­tés du bas­sin minier de Gardanne. Un bas­sin d’emploi entre Aix et Marseille qui vit de deux grandes acti­vi­tés : la pro­duc­tion d’alumine avec Péchiney et l’extraction du lignite. Des corons, des ter­rils du soleil qui ont façon­né le pay­sage et la ville avec un melting-pot de migrants polo­nais, algé­riens, espa­gnols, ita­liens. 1500 mineurs en acti­vi­tés sus­pen­dus aux choix minis­té­riels. Le cou­pe­ret de 1998 a été repous­sé après l’an 2000 par Gérard Longuet. Un choix néan­moins contes­té par le maire com­mu­niste de Gardanne Roger Méï. « Un chô­meur coût plus cher qu’un mineur, plaide-t-il. La mine est ren­table. La pro­duc­tion par mineur est une des meilleures d’Europe et le char­bon est, de l’avis de tous les experts, une éner­gie d’avenir ». Credo pour l’embauche qui s’appuie sur les lourds inves­tis­se­ments réa­li­sés tant dans l’automatisation du fond que dans la nou­velle cen­trale ther­mique à lit flui­di­sé spé­cia­le­ment étu­diée pour trai­ter sans pol­lu­tion le char­bon de Gardanne.
Et refus d’une stra­té­gie de diver­si­fi­ca­tion. Gardanne remar­qua­ble­ment situé à proxi­mi­té d’Aix, sur la voie fer­rée, à côté des auto­routes vers Nice Lyon ou Montpellier aurait pu mieux qu’Aubagne atti­rer tout un tis­su de petites et moyenne entre­prises et sor­tir de la mono-industrie en dou­ceur. La muni­ci­pa­li­té ne s’y est enga­gée qu’avec réti­cences, gar­dant une taxe pro­fes­sion­nelle très éle­vée, limi­tant les espaces acces­sibles. La recon­ver­sion pour Roger Méï est « un trompe l’œil ».
Jean-Claude Gaudin veut bien s’engager dans une poli­tique de recon­ver­sion, mais il demande du temps. Et il a pris fer­me­ment posi­tion contre les pro­pos de Gérard Longuet à l’assemblée natio­nale qui ont mis le feu aux poudres. « Maladresse » explique-t-on au cabi­net du pré­sident du conseil régio­nal. Mais la Région met les points sur les « il ». Plus ques­tion de sub­ven­tion­ner par exemple une chau­dière à lit flui­di­sé et de ne pas être consul­té sur l’avenir indus­triel de la cen­trale ! Jean-Claude Gaudin a fait voter jeu­di une motion par l’Assemblée régio­nale. Il demande une véri­table stra­té­gie de recon­ver­sion qui s’étale jusqu’en 2010 et qui s’appuie sur une étude sérieuse de l’impact éco­no­mique de la fer­me­ture des houillères. Avec la pos­si­bi­li­té de main­te­nir en Provence un site de recherche sur le char­bon et les tech­niques d’extraction.
Le syn­drome La Ciotat hante les élus. Tous les ingré­dients sont là : une mono-activité en péril, un noyau cégé­tiste dur… et des ater­moie­ments gou­ver­ne­men­taux. Jean-Claude Gaudin tire les conclu­sions de la situa­tion dif­fi­cile dans laquelle se retrouve son ami Jean-Pierre Lafond, Maire de La Ciotat. Il ne suf­fit pas de rem­pla­cer un maire com­mu­niste par un maire libé­ral. Malgré des aides sub­stan­tielles de la Région : un pacte urbain, un lycée, un plan Agir, la cité est au bord de la faillite. Les four­nis­seurs attendent par­fois plus d’un an le règle­ment de leur fac­ture, la Chambre régio­nale des comptes est au che­vet du malade. Jean-Pierre Lafond a main­te­nu un appa­reil muni­ci­pal plé­tho­rique, enga­gé des inves­tis­se­ments impor­tants alors que les recettes de la ville sont en baisse. Il n’a pu bou­cler ses bud­gets qu’en pri­va­ti­sant chaque année un ser­vice muni­ci­pal. « J’ai été un libé­ral exces­sif », confesse-t-il aujourd’hui, alors que ses propres amis se lassent de ses méthodes auto­ri­taires. Crise qui incite donc à prendre le dos­sier des Houillères très au sérieux, quitte à « aider le gou­ver­ne­ment » à prendre des déci­sions plus sages. N’oublions pas que le dépu­té de la cir­cons­crip­tion de Gardanne est un cer­tain Bernard Tapie…

Christian Apothéloz