Article paru dans le Nouvel Économiste.
Faut-il subventionner le travail plutôt que de financer le chômage ? Le débat que l’on croyait emporté par les solutions libérales est relancé avec les difficultés du bassin minier de Gardanne. Un bassin d’emploi entre Aix et Marseille qui vit de deux grandes activités : la production d’alumine avec Péchiney et l’extraction du lignite. Des corons, des terrils du soleil qui ont façonné le paysage et la ville avec un melting-pot de migrants polonais, algériens, espagnols, italiens. 1500 mineurs en activités suspendus aux choix ministériels. Le couperet de 1998 a été repoussé après l’an 2000 par Gérard Longuet. Un choix néanmoins contesté par le maire communiste de Gardanne Roger Méï. « Un chômeur coût plus cher qu’un mineur, plaide-t-il. La mine est rentable. La production par mineur est une des meilleures d’Europe et le charbon est, de l’avis de tous les experts, une énergie d’avenir ». Credo pour l’embauche qui s’appuie sur les lourds investissements réalisés tant dans l’automatisation du fond que dans la nouvelle centrale thermique à lit fluidisé spécialement étudiée pour traiter sans pollution le charbon de Gardanne.
Et refus d’une stratégie de diversification. Gardanne remarquablement situé à proximité d’Aix, sur la voie ferrée, à côté des autoroutes vers Nice Lyon ou Montpellier aurait pu mieux qu’Aubagne attirer tout un tissu de petites et moyenne entreprises et sortir de la mono-industrie en douceur. La municipalité ne s’y est engagée qu’avec réticences, gardant une taxe professionnelle très élevée, limitant les espaces accessibles. La reconversion pour Roger Méï est « un trompe l’œil ».
Jean-Claude Gaudin veut bien s’engager dans une politique de reconversion, mais il demande du temps. Et il a pris fermement position contre les propos de Gérard Longuet à l’assemblée nationale qui ont mis le feu aux poudres. « Maladresse » explique-t-on au cabinet du président du conseil régional. Mais la Région met les points sur les « il ». Plus question de subventionner par exemple une chaudière à lit fluidisé et de ne pas être consulté sur l’avenir industriel de la centrale ! Jean-Claude Gaudin a fait voter jeudi une motion par l’Assemblée régionale. Il demande une véritable stratégie de reconversion qui s’étale jusqu’en 2010 et qui s’appuie sur une étude sérieuse de l’impact économique de la fermeture des houillères. Avec la possibilité de maintenir en Provence un site de recherche sur le charbon et les techniques d’extraction.
Le syndrome La Ciotat hante les élus. Tous les ingrédients sont là : une mono-activité en péril, un noyau cégétiste dur… et des atermoiements gouvernementaux. Jean-Claude Gaudin tire les conclusions de la situation difficile dans laquelle se retrouve son ami Jean-Pierre Lafond, Maire de La Ciotat. Il ne suffit pas de remplacer un maire communiste par un maire libéral. Malgré des aides substantielles de la Région : un pacte urbain, un lycée, un plan Agir, la cité est au bord de la faillite. Les fournisseurs attendent parfois plus d’un an le règlement de leur facture, la Chambre régionale des comptes est au chevet du malade. Jean-Pierre Lafond a maintenu un appareil municipal pléthorique, engagé des investissements importants alors que les recettes de la ville sont en baisse. Il n’a pu boucler ses budgets qu’en privatisant chaque année un service municipal. « J’ai été un libéral excessif », confesse-t-il aujourd’hui, alors que ses propres amis se lassent de ses méthodes autoritaires. Crise qui incite donc à prendre le dossier des Houillères très au sérieux, quitte à « aider le gouvernement » à prendre des décisions plus sages. N’oublions pas que le député de la circonscription de Gardanne est un certain Bernard Tapie…
Christian Apothéloz