Article paru dans le Nouvel Économiste.
Le groupe Lagardère annonce clairement qu’il mettra fin début 97 à cette spécificité marseillaise d’une presse quotidienne régionale d’opinion, qui outre le quotidien communiste La Marseillaise, a un titre à gauche, un titre à droite, avec la création d’un “nouveau” journal.
“Le temps est venu…” Depuis la reprise de l’héritage industriel de Gaston Defferre, un groupe de presse de 1 200 salariés et 780 MF de chiffre d’affaires, par le groupe Hachette, la rumeur d’une fusion resurgissait périodiquement. Jean-Luc Lagardère avait au départ donné des gages d’indépendance des titres nommant Michel Bassi au Méridional et Ivan Levaï au Provençal, laissant Var matin guerroyer contre la droite varoise, promettant à Edmonde Charles Roux fidélité aux orientations du fondateur.
L’érosion de la diffusion des titres idéologiquement opposés, la chute inexorable des ressources publicitaires conduisait à des décisions radicales. Depuis deux ans, la solution d’une fusion des deux journaux est discutée. Restait une hypothèque. L’héritière d’André Leenhardt, fondateur aux côtés de Gaston Defferre du groupe, patron de Var matin, Anne-Marie Laffond, qui avait opté pour une cession à Maxwell au temps de sa splendeur, refusait la vente à Hachette et allait de procès en procès pour contester le management du groupe. L’hypothèque s’est levée cet été. Un communiqué sibyllin et un gros chèque ont libéré Jean-Luc Lagardère de cette menace. Des études conduites par Ipsos en mai juin ont permis de définir le positionnement d’un titre unique, d’évaluer les risques d’une fusion, de tester les attentes. “Nous ne faisons pas un plan d’économie supplémentaire, affirme Jean-Pierre Millet Pdg, nous avons une grande ambition, faire un journal plus crédible, plus ouvert, plus rigoureux, plus objectif”. Les 165 journalistes du Provençal devront apprendre à travailler avec leurs 60 confrères du Méridional. Mais la clause de conscience devrait permettre un départ, sans remplacement, des plus anciens. Les fidèles des deux titres sont critiques et dubitatifs sur ce nouveau journal, plus conforme à la réalité de la PQR des autres régions. Mais l’éloignement de la politique rendait les clivages obsolètes. Comment expliquer qu’une ville majoritairement à droite, continue à acheter majoritairement un journal orienté à gauche ?
Christian Apothéloz