Article paru dans le Nouvel Économiste.
La guérilla s’est installée sur le port … et pour longtemps. Les dockers jouent les kamikazes. Comme s’ils n’avaient rien à perdre. Et le Port de Marseille perd jour après jour son crédit.
C’était prévisible et la situation était trop belle pour que la CGT n’en profite pas.. L’application tardive de la réforme n’avait pas permis de planifier correctement les congés et il manquait 200 dockers pour passer l’été. Conclusion de la CGT : la réforme, ça ne marche pas ! Acconiers et dockers polémiquent sur les textes laborieusement signés. Côté dockers, si rien n’est écrit on revient aux pratiques antérieures. Côté Acconiers on veut appliquer le droit commun. Autrement dit , s’il manque de la main‑d’œuvre, les entreprises de manutention embauchent en contrat à durée déterminée. Scandale crie la CGT, il faut passer par le Bureau central de la main‑d’œuvre, qu’elle contrôle. Ainsi s’enlise le port. Avec la fin des congés, cette question va s’éteindre d’elle-même. Mais d’autres resurgiront. À bord des car-ferries de la Sncm, avant la réforme, une vingtaine de dockers, montaient à bord…pour rien. Les voitures ou les camions se garent eux-mêmes dans les soutes. La Cgt a exigé et obtenu pour l’été la présence de deux dockers. Mais la Sncm n’ira pas plus loin. Bernard Anne, son Pdg n’a pas hésité à se mettre tout Marseille à dos en menaçant de détourner les trafics Corse Continent vers Toulon. La compagnie paye un lourd tribut à la réforme : 120 MF, à la condition expresse, selon les accords de mars, que la fiabilité revienne et que ces postes de travail soient supprimés. Conditions non-remplies à ce jour. Aiguillonné par l’Office corse des transports qui lui demande des économies, la Sncm maintient sa menace de priver la première ville corse de liaison directe avec l’île de beauté.
Le 18 août dernier, Jean Schutz, président du port a réuni en catastrophe son conseil d’administration. À l’unanimité, y compris donc la Cgt, le conseil demande une trêve de six mois pour engager des discussions dans la sérénité. Depuis, on se réunit, on se téléphone, on palabre pour mettre fin à l’escalade. Mais les protagonistes sont éloignés de la ligne de compromis. La Cgt veut faire la démonstration de l’inapplicabilité de la loi alors que la communauté portuaire qui finance un plan social d’un milliard veut enfin travailler avec des règles claires. Les regards se tournent vers Paris où la nomination d’un nouveau directeur des ports au ministère , Hubert Dumesnil est de bon augure. Cet ingénieur des ponts, directeur du port de Dunkerque, fut en effet, pendant sept ans, directeur de l’exploitation du port de Marseille. Il connaît donc la situation et espère-t-on saura inspirer au ministre les mesures qui s’imposent. Avant la fin de l’année, les dockers et leurs employeurs devront signer une nouvelle convention collective. Marseille sert de banc d’essai et le port y laisse des plumes. “Nous ne sommes plus fiables vis-à-vis de nos clients, confie un armateur. Nous leur avons dit pendant des mois que tout dépendait de l’application de la loi. Depuis mars les accords sont signés et la situation empire. C’est au législateur d’agir”.
Christian Apothéloz