Article paru dans le magazine L’Entreprise.
La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur est neuve. Sa population, son économie doivent peu de choses au passé. Bien sûr, certaines entreprises s’enraciner dans une longue tradition familiale. Mais elles sont l’exception. La majorité des vieilles familles marseillaises ne sont plus dans les affaires. Pour une compagnie Daher, héritière d’un siècle de négoce, combien d’entreprises nouvelles, fondées sur au maximum deux générations ? Donc, peu de rites et peu de castes, sauf en politique. Mais par contre une grande vivacité des réseaux. Un mode informel de relations, qui assure l’entrepreneur du soutien, de la bonne volonté, de la compétence de ses pairs.
Il faut se former à ce métier de patron polymorphe et mouvant. Pour les jeunes dirigeants, deux filières s’offrent à lui. La Jeune chambre économique et le Cjd. La Jeune chambre est très marquée par son appartenance à un mouvement international, avec une charte très morale, inspirée du monde anglo-saxon. Le Jce va s’investir dans une commission qui doit piloter une action civique : de l’éclairage nocturne des statues qui ornent les angles de maisons marseillaises à un prix de l’innovation en passant par un débat interreligieux. Le CJD est plus sélectif sur son recrutement et accorde beaucoup d’importance à la formation de ses membres, à leur action collective de lobbying dans la cité. Il est un réservoir de responsables patronaux.
Le Centre des jeunes dirigeants vit par ses sections actuelles, mais surtout par le vivier des anciens. En remontant très loin, quand le CJD était encore le Centre des jeunes patrons. Pierre Bellon, marseillais et fondateur de la Sodhexo en a fait partie. Il est parti d’un modeste capital dans la cité phocéenne et est devenu le leader mondial de la restauration collective avec plus de 250 000 salariés. « Au Cjd, confie un ancien président, on apprend à tutoyer une génération de patrons ». L’adhésion au Cjd est un engagement. Les jeunes dirigeants y passent en moyenne trois années intenses : formations, débats, initiatives citoyennes. Le jeune patron sort de sa coquille. Il apprend les règles et les rouages des institutions. Il s’affirme vis-à-vis de ses pairs dans une ambiance décontractée. Chaque section a sa personnalité. Marseille a toujours été frondeuse face à la direction parisienne. Le Cjd marseillais est l’école du patronat local. Il a formé des conseillers municipaux, des délégués consulaires, des élus patronaux en grand nombre. Comme Marseille et Aix se regardent en chiens de faïence, les deux sections n’ont pas toujours les mêmes points de vue. Aix est plus critique face à la représentation patronale officielle, au diapason de la direction nationale. Nice a longtemps fait bande à part. Aujourd’hui, les JD niçois se posent les bonnes questions. Fabien Paul, patron de presse et past-président est très fier d’avoir par exemple pu faire dialoguer sur l’abus de bien social Éric de Mongolfier et Arnaud Montebourg. Il reviendra à Gérard Leseur, Président régional d’avoir su fédérer ces différences pour accueillir le Congrès national en juin dernier dans la capitale régionale.

Après 45 ans, le jeune patron doit quitter le cocon J.-D. Les quadras et les quinquas qui n’avaient pas embrassé les carrières consulaires ou politiques étaient orphelins de club et de rencontre jusqu’à ce que Pierre Bellon invente les Clubs Apm, Association progrès du management. C’était il y a 17 ans, ils sont aujourd’hui 170 en France dont 6 dans les Bouches-du-Rhône. Le principe est simple : vous prenez une quinzaine de managers, vous les enfermez pendant une journée (dix fois par an) avec un consultant de bon niveau, vous agitez, vous laissez discuter dans un cadre convivial et vous produisez de la formation et bientôt de l’auto-formation car l’échange d’expérience, devient le vrai moteur de ces clubs patronaux. Restaient les cadres dirigeants. Pour eux, à l’initiative de l’Apm ont été créés les groupes Germe, Groupe d’entraînement et de réflexion au management des entreprises. Deux groupes sont actifs dans les Bouches-du-Rhône. Les principes de travail sont les mêmes que ceux de l’Apm, mais avec le souci de coller aux problèmes concrets de l’équipe dirigeante : délégation, décision, négociation, création, imagination, éthique, sont à l’ordre du jour.
Ces réseaux ne sont naturellement pas les seuls. Les syndicats de branches, chimie, métallurgie, bâtiment… sont très vivaces. Des regroupements comme la Céfim Communauté économique et financière méditerranéenne, le Mouvement français pour la qualité, l’Institut méditerranéen de l’eau, constituent des opportunités de rencontre autour du métier. Enfin, à condition d’y avoir étudié, les associations d’anciens élèves de Sciences po Aix, de l’IAE, de l’Institut d’administration des entreprises d’Aix et des Sup. de co de Marseille et Nice sont très vivaces.
Christian Apothéloz