Article paru dans le Nouvel Économiste.
Le feuilleton juridico-sportif de l’été rend toutes les stratégies politiques marseillaises aléatoires. On se positionne, mais on ne bouge pas. Car nul ne connaît la capacité réelle de rebond du patron de l’OM.
Fini Tapie ? La question est de toutes les discussions sur Marseille. Si l’affaire OM Valenciennes a cassé la trajectoire gagnante du capitaine du Phocéa, elle ne l’a pas éliminé de la place de Marseille. Il n’est plus ici un parachuté. Il s’est trouvé un parti. Petit, à gauche et indispensable. Et surtout un public dont on commence à mesurer le poids. Bernard Tapie invalidé dans la circonscription de Gardanne retrouvera-t-il une miraculeuse triangulaire avec le Front national pour battre à nouveau un Fabre d’Aubrespy en bonne position ?
Si l’influence du président de l’OM a baissé, il garde, à minima, une capacité de nuisance certaine.. La gauche aura au cours des deux prochains scrutins, les cantonales et les municipales, besoin de toutes ses forces, et même plus, pour garder la présidence du Conseil général et la mairie de Marseille. Or Bernard Tapie veut en découdre avec certains socialistes comme avec Vigouroux. Si par exemple, Lucien Weygand, président du Conseil général 13, devait affronter sur son canton un vigouriste et un radical de gauche, il ne retrouverait pas facilement son fauteuil.
“Ces élections, analyse Jean-François Mattéï, sont une équation à trois inconnues. Outre l’inconnue Tapie, ses affaires, son mandat, les Européennes, les présidentielles, son positionnement, sait-on comment évoluera la popularité de Robert Vigouroux d’ici 1995 ? On ne peut gagner Marseille deux fois sans parti. Ira-t-il vers le PS ou vers la gauche de l’UDF, vers les radicaux valoisiens ? Troisième inconnue, Jean-Claude Gaudin. Depuis 1989, il a confirmé sa place de leader régional de la droite. On peut comprendre qu’il souhaite recueillir le fruit de ce qu’il a fait depuis 20 ans.” Conclusion : pour J.-F. Mattéï, “la question est prématurée”. À l’opposé, pour Michel Pezet, le scrutin municipal est “l’élection phare” de la ville. Et s’il ne se fait pas trop de souci pour le Conseil général, il sait que pour battre un Jean-Claude Gaudin ministrable (ministre en septembre selon certains de ses amis), “il faut rassembler. Robert Vigouroux ne peut y aller seul, Tapie non plus, Weygand ou Henry Roux-Alezais non plus. Il y a matière à bâtir un pôle.” En attendant ce rassemblement œcuménique, la fédération du PS pourrait connaître des changements au cours de l’été. Le très contesté et fabiusien secrétaire fédéral, Jean-François Bernardini pourrait passer la main en douceur. À un fabiusien. Un mandat qui conviendrait à Michel Vauzelle. L’ancien garde des sceaux, conseiller général est sorti de sa retraite postministérielle et on le rencontre souvent en Arles. Et puis si Lucien Weygand trébuchait, il serait un candidat rêvé pour la présidence du Conseil général. Les ex-ministres sortent peu à, peu de leur réserve. Jean-Louis Bianco, conseiller régional, ne rate en ce moment aucune inauguration ou fête de village dans les Alpes de Haute Provence. Il se présentera aux cantonales dans un département qui oscille de gauche à droite à un élu près. Avec une chance pour la présidence. Mais personne ne se hâte. Michel Pezet surveille de près l’élevage de ses vaches dans le Lubéron et Jean-François Mattéï rédige ses “Contes et récits d’un généticien” dans sa villa du Var.
Christian Apothéloz