Article paru dans La Lettre de l’Institut euroméditerranéen des médias.
L’appel à projets lancé par l’État pour la définition de pôles de compétitivité a rencontré dans notre région un succès inespéré. Une douzaine de dossiers ont été remis au Préfet dans des domaines aussi variés que la fleur coupée ou la puce électronique.
Dans notre région, les industriels avaient la mauvaise habitude de jouer solo. Chaque territoire regroupé au pied de ses organisations professionnelles locales défend ses prérogatives, avec ses élus en rangs serrés. L’Estérel reste une muraille de Chine et les frontières départementales des octrois infranchissables. La région est comme son drapeau : un patchwork. Et pourtant l’appel à projets de l’État sur les pôles de compétitivité a fait exploser les frontières traditionnelles. Paca avec sa douzaine de projets arrive en troisième position derrière Paris et Lyon. La question était à la fois simple et complexe : « présentez-nous des pôles d’activité capables de jouer en division européenne ». Il fallait donc s’allier et trouver des partenaires dans la région d’origine voire dans les régions voisines ou cousines. La fleur coupée varoise ou la cité numérique d’Arles, orphelins des autres pôles, auront peu de chances. Ils ont plus la dimension d’un cluster, un système productif local, que d’un pôle européen. Par contre le pôle microélectronique solutions communicantes sécurisées a toujours annoncé la couleur : pas question de se battre contre Grenoble qui a un vrai potentiel, mais le Sud est complémentaire des Alpes par ses activités dans la puce, le logiciel et les télécommunications. Des alliances plus larges se nouent avec le pôle parisien et le pôle rennais. Même démarche pour la photonique, l’optique et l’imagerie. Depuis l’origine du regroupement Pop Sud, Jacques Boulesteix, l’initiateur du projet, a toujours privilégié les relations équilibrées avec des partenaires toulousains ou parisiens.
Des projets collaboratifs d’abord !
Les offres les plus solides émanent naturellement des filières déjà organisées et ayant des habitudes de coopération. C’est le cas avec la microélectronique qui s’appuyant sur le Cremsi a su mettre en place un programme de recherche-développement de plus de cent millions d’euros sur trois ans financés à 50/50 par le privé et le public. Toulon Var technologie a présenté aussi un dossier solide sur les industries liées à la mer, le Vaucluse, et plus précisément Avignon, (soutenu par son maire ministre) a joué l’agroalimentaire des fruits et légumes sans y associer les capacités de transformations qui sont plutôt buchorhodaniennes. Bioméditerranée a reçu son baptême du feu donnant naissance au projet Innovation thérapeutique, mais dans un univers très concurrentiel : une quinzaine de régions concourent dans cette catégorie. Enfin, l’émergence de projets jusque-là méconnus, à l’initiative du CEA de Cadarache ou de l’Europole de l’Arbois, a surpris les observateurs.
Mais que font les Chambres de commerce et d’industrie ?
Les projets sont portés par des organismes très diversifiés : associations professionnelles comme le Cremsi ou Popsud, branches professionnelles, collectivités locales… Le tout avec le soutien de la Mder, la Mission de développement régional, de Méditerranée Technologie et des services de l’État. Un grand absent dans ce concert institutionnel : les chambres de commerce, comme si les industriels n’avaient pas osé déranger ces vieilles dames avec des dossiers aussi urgents. Où est le temps où Henry Mercier, alors président de la CCI de Marseille dessinait le premier contour de ce qui deviendra Euroméditerranée ? Absentes aussi, certaines branches industrielles qui comptent comme la chimie et la pétrochimie, la sidérurgie et l’agroalimentaire de transformation. Nous avons les usines, les managers, mais peu de recherche et peu de formation. Dommage. Le ministère de l’industrie va faire son tri. Des regroupements interrégionaux sont prévus, des rapprochements régionaux sont souhaités. Le Conseil régional qui s’est fortement impliqué dans la démarche s’est engagé lui à soutenir toutes les initiatives.
Une prime fiscale aux zones surdouées ?
Cet appel à projet a réveillé des forces de conception et d’action insoupçonnées. La carotte fiscale a joué un rôle. Le CIADT, le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, avait promis « des exonérations d’impôt sur les sociétés et des allégements de charges sociales aux entreprises participant à des projets de R & D collaboratifs ». Cette défiscalisation annoncée présente un risque de déséquilibre. Un grand groupe choisira par exemple de favoriser la recherche dans la région défiscalisée au détriment d’une autre implantation. Les mesures fiscales étaient jusque-là destinées aux zones défavorisées. Pour la première fois, on offre une prime fiscale aux zones surdouées. Pas sûr que ce soit productif et que l’on ne retrouve pas les logiques qui avaient produit « le désert français ». Par contre la focalisation des aides et soutiens sur les projets collaboratifs est une superbe incitation à sortir de la bunkérisation des territoires, le soutien à l’animation de filières, clusters et technopoles est un levier efficace pour structurer le territoire et enraciner les activités productrices de valeur, donc d’emploi.
Christian Apothéloz
Les engagements du CIADT
> 750 millions d’€ sur trois ans seront employés pour le développement des pôles de compétitivité ;
> Les ministères sont appelés à consacrer 25 à 30 % de leurs fonds d’intervention aux projets innovants collaboratifs ;
> Des exonérations d’impôt sur les sociétés et des allégements de charges sociales pourront être alloués aux entreprises participant à des projets de R & D collaboratifs ;
> La CDC, l’ANVAR et la BDPME/SOFARIS participeront à cet effort en allouant des fonds et en proposant des aides financières aux pôles.