Article paru dans le Nouvel Économiste.
Découragement sur le port de Marseille. alors que l’on croyait la réforme bien partie, les dockers ont repris le harcèlement.
Les professionnels du port ne savent plus à quel saint se vouer. Pendant des mois, ils ont attendu la mise en place de la réforme, ils se sont battus pour financer un plan social des plus coûteux, ils ont fait concessions sur concessions pour obtenir la paix sociale. Et la guérilla portuaire est toujours là. Grève nationale pour la convention collective, conflit local pour tout et pour rien. “Quand nous résolvons quatre problèmes, se plaint le président de la chambre de commerce qui joue les « Monsieur bons offices » une fois par semaine, il en sort quarante. C’est un harcèlement permanent”. La CGT entend tout simplement faire la démonstration que la loi est inapplicable et par le biais de la convention fait tout pour revenir à l’ancien statut, y compris le monopole syndical ou l’embauche préférentielle des fils de dockers. La période estivale offre un terrain de choix. Non planifiés, la réforme date de mai, les congés désorganisent les quais. Avec un peu de mauvaise volonté, rien ne va plus et certains navires ont déjà dû rebrousser chemin. Il manque 200 manutentionnaires pour tenir. Pas question pour la CGT de les laisser normalement embaucher en CDD (à 15 000 F/mois !) par les entreprises, il faut passer par le BCMO, le bureau central de la main‑d’œuvre. Retour pernicieux à la case départ que les acconiers refusent. Plutôt perdre des trafics que de revenir en arrière. Ils étudient discrètement la possibilité de se passer de personnels supplémentaires. Pour éviter un été chaud, au moment où les chiffres du trafic mensuel dénotent un frémissement, en particulier sur les conteneurs.
« Il faudra, si ça ne s’arrange pas que l’État intervienne, avoue déçu Raymond Vidil, patron de Marfret. La loi est votée, nous avons fait ce qui nous revenait. Il faut maintenant appliquer les textes ». L’heure est à la fermeté, côté patronal, pas encore à l’affrontement. Mais la tension monte. La Sncm, la Société nationale Corse Méditerranée menace de rabattre ses trafics corses vers Toulon. 500 000 personnes par an au bas mot. Un ras-le-bol qu’explique Patrick Berrest, président de l’Union maritime et fluviale et président de Sud Cargos : “Les trafics passagers sont très sensibles à la fiabilité d’un port. On ne peut pas travailler sans savoir chaque matin si les centaines de passagers qui comptent sur vous, vont pouvoir embarquer.” La CGT est là en conflit pour imposer des dockers à bord des navires alors qu’ils sont loin d’être indispensables.
Philosophe, le directeur du Port, François Perdrizet, espère résoudre les problèmes “les uns après les autres. Une réforme comme celle-là ne peut se réaliser en un jour”. Un optimisme raisonné que partagent les promoteurs d’une association nouvelle, “Marseille Europort”. Elle rassemble, pour la première fois dans une seule structure, le port, les professionnels à travers l’Union maritime et la Chambre de commerce. Objectifs : parler d’une seule voix, coordonner les efforts de promotion des trois partenaires, détecter la demande des armateurs, des importateurs et exportateurs. Si besoin adapter l’offre, tant en services qu’en équipements. Une démarche collective de marketing portuaire en quelque sorte. “Nous n’aurons plus d’excuses si nous échouons, relève le président de cette association, Patrick Berrest. Le port joue le jeu, la chambre est avec nous, nous sommes aux commandes de la promotion. Notre ambition est grande, nous sommes condamnés à réussir.”
Christian Apothéloz