Article paru dans le Nouvel Économiste.
Dis-moi comment tu sous-traites, et je te dirai qui tu es. La chute des effectifs de la grande industrie masque souvent une sous-traitance insoupçonnée : 800 personnes par jour à Naphtachimie sur 2000 salariés, 100 à 220 chez Esso pour 300 salariés, 300 à 600 chez BP pour 690 salariés, 2000 sous-traitants à Sollac pour 3800 salariés ; L’entreprise n’y a pas forcément gagné en coût immédiat, mais en souplesse. Et avec la récession, les industriels usent et abusent de cette souplesse. Eurocopters a donné fin 92 un coup de frein brutal à ses activités, chute de carnet de commande oblige. Sans ménagement, sans délais et après avoir demandé de forts investissements.
Saint Marcel Ferroviaire (entretien de wagons) n’a pas résisté à la chute des commandes de son unique client, la SNCF. Le TGV remplaçant les trains Corail, la société, reprise par ses cadres en 1988, a vu son chiffre d’affaires tomber de plus de 50 %. Depuis son dépôt de bilan, il y a quatre mois, Pierre Colombo, son Pdg se bat pour trouver un repreneur. Sartec et Sefca n’ont pas donné suite. Cannes La Bocca Industries a déposé cette semaine un projet avec à la clef une cinquantaine de suppressions de poste sur les 242 emplois. Amertume néanmoins pour Pierre Colombo qui quittera le navire. Lorsqu’il avait repris Titan Coder, tout le monde se louait de l’issue enfin trouvée à la crise d’un des fleurons industriels de Marseille. : “Les élus se sont mobilisés pour Sud Marine, dit-il, alors que Saint Marcel Ferroviaire n’intéresse personne”
L’entreprise mono-client a montré ses limites. La diversification vers le camion était trop coûteuse. SMF devra rester dans le ferroviaire avec une diversification possible vers les rames de métro.
Les sous-traitants d’Eurocopter ne veulent pas se laisser prendre dans la nasse de leur donneur d’ordre. Ils se sont présentés groupés avec leurs collègues fournisseurs de la DCAN de Toulon au Salon du Bourget dans le cadre d’une association qu’ils viennent de créer, l’Association des industriels de l’aéronautique et de l’armement. Jacques Giner, président de l’association et Pdg de Sudinove, société d’ingénierie, compte sur l’Assia pour attaquer le marché international et ouvrir de nouvelle pistes pour les technologies maîtrisées par ces sous-traitants high-tech. Une démarche adaptée à des sociétés de matière grise. Pour les autres, la diversification ne se fera que grâce à un effort vers la qualité. Sollac par exemple joue à fond la sécurité avec ses 2000 fournisseurs et signe des contrats qualité moyennant la garantie d’une certaine pérennité des commandes, jusqu’à 3 ans. C’est ce type de démarche que la Chambre régionale de commerce souhaitait encourager en négociant une charte du partenariat. Plusieurs mois de discussions, conduites par Claude Cardella, industriel, vice président de la CRCI, ont permis de rédiger un code de bonne conduite du business to business révolutionnaires : “priorité au mieux disant”, relations contractuelles sur trois ans, reconnaissance de la norme ISO 9000, reconnaissance mutuelle des agréments d’entreprise, amélioration de la sécurité des personnels, réduction des délais de paiement, préservation de l’hygiène et de l’environnement et enfin mise sur pied d’un “comité d’éthique”. Joli programme qui ne verra pas le début d’un commencement d’application. À la dernière minute, les fédérations patronales de la chimie et de la métallurgie ont refusé d’apposer leur signature en bas du document. Sur ordre des grands groupes nationaux qui ne veulent pas se lier les mains à l’heure où ils demandent à leurs directeurs régionaux de serrer les boulons. Seuls, EDF, l’Aérospatiale de Cannes, la Fédération des travaux publics étaient prêts à signer. Gilbert Jauffret, président de la Chambre régionale garde les tables de la loi et mesure aujourd’hui, le sens de cette volte-face. Le dumping a encore de beaux jours.
Christian Apothéloz