Article paru dans le Nouvel Économiste.
La crise de Sud Marine mobilise les énergies marseillaises, à la recherche d’un consensus et d’une intervention de l’État. Alors que le port désespère les plus optimistes.
Le dossier des dockers lasse la ville. Plus personne ne comprend rien aux positions des uns et des autres, aux trêves, aux négociations, aux ruptures de négociations, aux déclarations de paix et aux actes de guerre sociale. Tout le monde comprend par contre que le port est boycotté par les armateurs et que la contre-publicité du conflit tue à petit feu tous les efforts commerciaux du port. Le président de la Chambre de commerce a tenté une nouvelle médiation sur le problème des trafics corses, il a cru aboutir puis s’est vu démentir par les protagonistes. Le maire de Marseille, Robert Vigouroux, dans son interview de rentrée accordée au Provençal accuse : ”Qu’un nombre aussi restreint de personnes puisse avoir une influence aussi négative sur toute une population n’est pas acceptable”. Et le premier magistrat en appelle à un Grenelle du port avec toutes les parties concernées et l’État. Cette ville frondeuse vit dans le paradoxe d’une indépendance revendiquée et d’une dépendance constante vis-à-vis des cabinets parisiens. Avec nostalgie, on se lamente à droite comme à gauche, “de ne pas avoir de ministre”.
La crise de Sud marine le prouve. Sur ce dossier, toutes les collectivités locales sont d’accord. Haro sur Elf qui refuse de confier ses plates-formes offshore à l’entreprise phocéenne au profit de la Lyonnaise des eaux. Haro sur le ministre de l’industrie Gérard Longuet qui met en doute les capacités gestionnaires du patron de Sud Marine. Et unanimité pour élargir le débat autour de Sud marine.
Jean-Noël Guérini, vice-président du Conseil général 13 s’est déclaré prêt au Club de la presse de Marseille à investir 10 MF, via le port, pour moderniser les formes de radoub. Yves Bonnel, adjoint au maire, chargé de l’économie est prêt à faire “d’amicales” pressions sur les grands prestataires de la ville pour qu’ils passent des commandes de chaudronnerie industrielle à Sud Marine et la Chambre de commerce propose de réaliser une véritable étude de marché sur l’offshore et la réparation navale. Jean-Claude Gaudin, lui est monté au créneau à plusieurs reprises auprès des ministres en particulier auprès de Gérard Longuet pendant l’université d’été du Parti républicain.
L’enjeu dépasse l’avenir de la seule société Sud Marine. Car les marchés de réparation navale n’iront pas forcément à sa seule concurrente, la CMR. Guy Larrue, Pdg de Sud marine est clair : “La présence de deux sociétés laisse un choix aux armateurs. Ils ne viendront pas dans un port où une seule entreprise ferait la loi”. Ce que défend Marseille, à travers les emplois Sud marine, c’est l’intégralité de son outil portuaire : la capacité d’accueillir les navires, de les charger et décharger, mais aussi d’y effectuer des réparations lourdes. Il est fort probable que Guy Larrue devra renoncer à l’aventure de l’offshore pour se concentrer, avec un effectif réduit à la seule réparation navale et chaudronnerie industrielle. Mais là encore tout dépend du bon vouloir de l’État. Le patron marseillais a dans ses cartons depuis plusieurs mois un plan social que le Ciri lui refuse. Les discussions renouées depuis mardi dernier avec le ministère de l’industrie devraient permettre de trouver une issue à la énième crise de Sud Marine, en lui donnant enfin de vraies chances de développement.
Christian Apothéloz