Le journaliste : Futur composé (radio RCF)

Yves Delafon, président du réseau Africalink : “changer de lunettes”

12 juin 2020

Cet entre­pre­neur, ensei­gnant, ban­quier, mili­tant d’une rela­tion neuve avec l’Afrique invite à « chan­ger de lunettes » en s’accordant sur l’importance du col­lec­tif et de l’interdépendance

Yves Delafon

Nous vivons une crise, née de fai­blesses qui s’exposent en pleine lumière, au risque de nous aveu­gler. Selon l’adage bien connu, il est dif­fi­cile de faire des pré­vi­sions… sur­tout quand elles concernent l’avenir ! Mais nous pou­vons nous atta­cher à rendre pos­sible notre futur. En effet, si nous n’avons pas les réponses, nous dis­po­sons clai­re­ment des ques­tions qui devront trou­ver des solu­tions dans les mois et années qui viennent… Comment trans­for­mer une finance inter­na­tio­nale sté­rile qui n’est mue que par l’appât du gain ou la peur, com­ment conci­lier éco­lo­gie et éco­no­mie, com­ment confir­mer la néces­si­té du pro­fit tout en accep­tant que sa meilleure redis­tri­bu­tion soit la condi­tion de son main­tien, com­ment dis­so­cier une crois­sance néces­saire et la fin de la consom­ma­tion des­truc­trice, com­ment affir­mer une nou­velle mobi­li­té éco­no­mique, cultu­relle et for­ma­trice, déga­gée de la futi­li­té consom­ma­trice de l’extrême « low-cost », com­ment construire de nou­velles soli­da­ri­tés intra et inter­so­cié­tales, condi­tions impé­ra­tives de notre sur­vie, com­ment réta­blir mul­ti­la­té­ra­lisme et mutua­li­sa­tion dont la sub­si­dia­ri­té et l’équilibre soient les res­sorts… ? Nous ne pour­rons trou­ver les réponses sans « chan­ger de lunettes », comme nous y invite le socio­logue Rachid Benzine. Nous ne pour­rons avan­cer en pour­sui­vant une réflexion for­ma­tée dont nous avons atteint les limites. Il nous faut construire un nou­vel envi­ron­ne­ment, et non pas recons­truire l’ancien. Augmenter la dimen­sion d’un tuyau per­cé ne peut qu’augmenter les fuites ! Ces consi­dé­ra­tions s’appliquent à tous, en par­ti­cu­lier à l’Europe comme au conti­nent afri­cain. Nous sommes tous sur le même bateau, la même pla­nète. Les enjeux sont glo­baux et le « myself first » est une folie sui­ci­daire. Nous menons « une guerre mon­diale qui se carac­té­rise par le fait que nous sommes tous du même bord », nous rap­pelle Bill Gates. Cette guerre a deux enne­mis, dont la vic­toire serait ter­rible : – la des­truc­tion de notre envi­ron­ne­ment, qui ren­drait la vie impos­sible – la mon­tée des inéga­li­tés, qui la ren­drait insup­por­table. Et nous serons tous « invi­tés au ban­quet des consé­quences » ! On ne peut pas être pros­père au milieu de pauvres ! Il ne sert à rien de l’être sur un tas de gra­vats ! Cette crise nous rap­pelle l’importance du col­lec­tif, de la proxi­mi­té et de l’interdépendance, la néces­si­té d’une vision à long terme, libé­rée de la dic­ta­ture mor­ti­fère des réac­tions à court terme. Il y a trop d’urgence pour être pressés.

Ecoutez l’émission de radio Futur composé

Présenté par Christian Apothéloz, Dominique Mucchielli