Le journaliste : interviews

Philippe Schmid : “Religions, avec un “s””

par | 03 janvier 2002

Paru dans le maga­zine men­suel régio­nal pro­tes­tant Échanges

Chaque dimanche, jour­na­liste de la locale de Marseille, il a trois colonnes pour par­ler reli­gions dans le quo­ti­dien de régio­nal, La Provence. Un rendez-vous ouvert à toutes les confes­sions, avec un regard tolé­rant et exigeant.

Comment est née cette rubrique dominicale ?

Nous nous sommes ren­du compte, en 94, avec mon chef de ser­vice, que nous n’étions pas pré­sents jour­na­lis­ti­que­ment sur la thé­ma­tique reli­gieuse : pas de rubrique régu­lière, pas de jour­na­liste moti­vé, donc un trai­te­ment aléa­toire des sujets, sans sui­vi réel. Or dans une ville comme Marseille, les sujets com­mu­nau­taires et reli­gieux ont un relief par­ti­cu­lier. Nous avons eu, je crois une réac­tion de journaliste.

Et cette rubrique est confiée à un homme de religion ?

Non, je suis plu­tôt agnos­tique, je n’ai pas de grandes cer­ti­tudes. J’ai reçu une édu­ca­tion catho­lique, j’ai mili­té au Mouvement rural de la jeu­nesse chré­tienne, puis à l’Action catho­lique des enfants. Puis j’ai bos­sé avec la Cimade… J’ai trou­vé des gens bien qui au nom de leur foi ont un enga­ge­ment extra­or­di­naire auprès des autres.

C’est le philosophe qui ressort sous le journaliste

La phi­lo­so­phie pose la ques­tion du sens de la vie. Cette rubrique est un des rares lieux où l’on pose ces ques­tions essen­tielles, c’est une prise de parole contre le confor­misme ambiant. Il y a par exemple à Marseille un réseau d’aide aux gens en grandes dif­fi­cul­tés, ani­mé par des hommes et des femmes de foi. Nous avons un espace pri­vi­lé­gié pour par­ler d’eux.

Comment pouvez-vous arbitrer entre les nombreux courants religieux ?

Je n’ai pas à arbi­trer, mais je suis jour­na­liste, je garde en toute chose mon regard cri­tique. Par exemple, lorsque l’Opus dei orga­nise une mani­fes­ta­tion à Marseille, j’en parle, parce que c’est un évé­ne­ment, mais avec esprit cri­tique. Ce jour­nal est ven­du à 100 000 exem­plaires le dimanche, j’ai une responsabilité.

Comment se repérer dans ce maquis des “religions” de la cité phocéenne ?

J’ai deux ou trois réfé­rents dans chaque confes­sion qui m’aident à y voir clair. Je suis par exemple har­ce­lé par les témoins de Jéhovah. Je n’ai pas à écrire contre ma conscience. Et j’ai tou­jours eu carte blanche de la direction.

C’est bien compris ?

Ce n’est pas tou­jours com­pris et il m’arrive qu’un pas­teur, un prêtre, un rab­bin ou un imam me batte froid après un article. Mais, c’est mon métier. Je ne veux pas que ma rubrique ne soit lue que par les culs bénis. Ce n’est pas un bul­le­tin parois­sial. J’ai un rôle de pas­seur, la tolé­rance, ça s’apprend.

Vous êtes devenu un spécialiste des religions…

Je ne veux être spé­cia­liste de rien, je suis jour­na­liste d’abord. Parler de reli­gion relève de la conscience per­son­nelle, et le fait de ne pas être affi­lié à une église me donne une grande liber­té. Et je traite bien d’autres sujets dans les colonnes du journal.

Est-ce que la place de la religion a changé dans le journal ?

Oui, la reli­gion n’est pas sanc­tua­ri­sée dans ma rubrique. Ce tra­vail débouche sur une capa­ci­té à mieux trai­ter de vrais débats comme celui de la mos­quée ou des sujets pas­sion­nants comme le patri­moine des églises de la ville.

Est-ce significatif d’une place nouvelle du religieux dans la ville ?

Le jour­nal se fait l’écho de ce qui se fait dans la cité. J’ai le sen­ti­ment que Marseille n’est pas une ville très pra­ti­quante, mais que les com­mu­nau­tés sont fières de leur iden­ti­té et donc de leur appar­te­nance reli­gieuse. Sans pour autant que nous ayons des reli­gions ghetto.

Christian Apothéloz