Le journaliste : portraits

André Einaudi, PDG d’Ortec : entrepreneur de l’année du Nouvel économiste 1997

par | 01 mars 1997

Article paru dans Le Nouvel Economiste.

André Einaudi, PDG d’Ortec

André Einaudi n’au­rait jamais dû deve­nir l’en­tre­pre­neur de l’an­née, pour la bonne et simple rai­son qu’il se refuse à col­lec­tion­ner les prix et diplômes. Il a accep­té de faire une excep­tion pour le Nouvel éco­no­miste. Peut-être parce que le mot entre­pre­neur lui va comme un gant.
À 41 ans, il pour­rait légi­ti­me­ment adop­ter le pro­fil bla­sé du grand patron débor­dé et inac­ces­sible : Ortec affiche aujourd’hui 1,5 mil­liard de chiffres d’affaires avec 1 600 sala­riés dans les métiers de l’environnement, et de la main­te­nance.
André Einaudi pour­tant garde les pieds sur terre. Il est ter­rien d’a­bord. Fils d’un vigne­ron varois, de Carcès, il a conscience de la fra­gi­li­té des suc­cès éco­no­miques. Le vignoble le mieux entre­te­nu peut en effet d’un coup de gel deve­nir sté­rile.
 
Il com­mence sa car­rière avec une double for­ma­tion, ingé­nieur des arts et métiers et mana­ge­ment à l’IAE. Il entre en 1979 au groupe Onet. Il prend la direc­tion de la branche indus­trie. Il déve­loppe ces acti­vi­tés et la branche Ortec Buzzichelli atteint le mil­liard de chiffre d’affaires en 1990.
 
Mais pour le groupe Onet, cette excrois­sance est aty­pique. Les cultures d’entreprises sont alors aux anti­podes. Onet a construit son suc­cès sur des marges étroites, mais maî­tri­sées, avec un per­son­nel nom­breux et peu qua­li­fié, enca­dré par une hié­rar­chie forte. Ortec est deve­nu une boîte d’ingénieurs, qui tra­vaille sur des mar­chés por­teurs comme la pétro­chi­mie, mais qui a de grands besoins d’investissements. Onet, coté en Bourse, appré­cié comme une valeur sûre, le groupe craint pour sa sta­bi­li­té.
André Einaudi ren­contre les repre­neurs, il cal­cule, éva­lue, négo­cie. Puis se refuse à ce qui se pro­file alors, une vente par appar­te­ments à la Générale ou à la Lyonnaise. Il est convain­cu par ses propres busi­ness plans et il monte un LMBO avec 10 cadres.
 
1992 : le mon­tage est bou­clé, dix cadres cassent leur tire­lire et s’endettent. André Einaudi devient par le biais d’une série de socié­tés emboî­tées, de pou­pées russes, il devient l’ac­tion­naire majo­ri­taire d’un groupe éva­lué à 110 M.F.. Ortec prend son indé­pen­dance. Il lui fau­dra quatre ans pour digé­rer et assai­nir. Ortec cède des par­ti­ci­pa­tions non stra­té­giques. Le chiffre d’affaires est réduit à 750 M.F.. Mais sans casse. Quand André Einaudi ne croit plus au déve­lop­pe­ment d’une acti­vi­té dans le groupe, il fait en sorte que l’emploi soit pré­ser­vé et il cherche des repre­neurs.
En 1996, la socié­té est désen­det­tée, de nou­veaux action­naires ban­caires, rejoignent le tour de table. Ortec est prêt pour la crois­sance externe.
 
La cible n’est pas une TPE.

Depuis dix ans, les équipes d’Ortec se retrouvent sur les mêmes mar­chés avec Friedlander, une filiale du groupe GTM. Et sou­vent, bien qu’ils soient concur­rents, ils font le même métier, ils ont ensemble répon­du à des appels d’offres.
Friedlander est la cible idéale. Et consen­tante. Ortec va dou­bler donc son chiffre d’affaires et passe de 750 M.F. à 1,5 mil­liard. Aujourd’hui, il faut uni­fier la ges­tion, fusion­ner les agences, rac­cor­der les sys­tèmes infor­ma­tiques, marier les équipes… et éli­mi­ner, sans casse, les dou­blons.
 
De ses ascen­dants vigne­rons, André Einaudi a gar­dé le goût de la taille. Et du tra­vail. “Mon grand père n’a jamais pris de congés”, m’a-t-il confié “J’ai été for­mé par les mar­chés agri­coles, il ne faut pas cou­rir der­rière le chiffre d’affaires, mais vers le résul­tat”.
Une pro­fes­sion de foi digne de l’en­tre­pre­neur de l’année.

Christian Apothéloz