Le financier de l’année n’a rien du golden boy. L’homme qui en dix ans a bouleversé le paysage financier régional a la cinquantaine tranquille et le propos mesuré. Discret, voir timide, il ne court pas les réceptions et néglige les tribunes. Et pourtant quelle trajectoire ! En 1964, avec une formation scientifique en poche, il entre comme simple employé à la Caisse d’épargne de Sète et, en vingt ans, gravit tous les échelons jusqu’à la direction de la Caisse des Bouches du Rhône et de la Corse.
Charles Milhaud se révèle alors. Actif, et écouté lors de la réforme des caisses d’épargne de 91, il saisit l’opportunité pour se tailler un territoire à sa mesure. Félin sous ses allures paisibles, il sait donner le coup de patte pour arriver à ses fins. Les caisses de Carpentras, de Cavaillon, d’Apt, de la vallée du Rhône et des deux départements alpins fusionnent sans heurt avec la caisse de Marseille. Première caisse après Paris, premier établissement financier de la côte méditerranéenne, l’écureuil Provence Alpes Corse joue dans la cour des grands. Pour sortir de l’ornière du livret A, Charles Milhaud en fait une banque à part entière, offrant tous les produits et services de ses concurrents. Manque l’essentiel : l’entreprise. À défaut de la Marseillaise de crédit, il saisit les opportunités. Il vole au secours d’une société de capital-risque de proximité créée dans les Alpes, Saménar trop vite lâchée par ses parrains institutionnels. Puis, il s’offre en architecte du sauvetage de la SDR Méditerranée. Fin tacticien, il use de ses réseaux, à gauche comme à droite pour consolider un pouvoir devenu incontournable. Homme du sérail, farouchement attaché à sa région, pétri du sens de l’intérêt général, il rêve d’une grande caisse d’épargne qui irait de la Côte d’Azur à la caisse de ses débuts, celle que dirigeait son père à Sète.
Christian Apothéloz
Article paru dans Le Nouvel Economiste.