Le journaliste : portraits

Financier de l’année, Charles Milhaud : le Raminagrobis des caisses d’épargne

par | 01 février 1995

Le finan­cier de l’année n’a rien du gol­den boy. L’homme qui en dix ans a bou­le­ver­sé le pay­sage finan­cier régio­nal a la cin­quan­taine tran­quille et le pro­pos mesu­ré. Discret, voir timide, il ne court pas les récep­tions et néglige les tri­bunes. Et pour­tant quelle tra­jec­toire ! En 1964, avec une for­ma­tion scien­ti­fique en poche, il entre comme simple employé à la Caisse d’épargne de Sète et, en vingt ans, gra­vit tous les éche­lons jusqu’à la direc­tion de la Caisse des Bouches du Rhône et de la Corse. 

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Le bureau de Charles Milhaud devient le QG des grandes réformes Photo Christian Apothéloz

Charles Milhaud se révèle alors. Actif, et écou­té lors de la réforme des caisses d’épargne de 91, il sai­sit l’opportunité pour se tailler un ter­ri­toire à sa mesure. Félin sous ses allures pai­sibles, il sait don­ner le coup de patte pour arri­ver à ses fins. Les caisses de Carpentras, de Cavaillon, d’Apt, de la val­lée du Rhône et des deux dépar­te­ments alpins fusionnent sans heurt avec la caisse de Marseille. Première caisse après Paris, pre­mier éta­blis­se­ment finan­cier de la côte médi­ter­ra­néenne, l’écureuil Provence Alpes Corse joue dans la cour des grands. Pour sor­tir de l’ornière du livret A, Charles Milhaud en fait une banque à part entière, offrant tous les pro­duits et ser­vices de ses concur­rents. Manque l’essentiel : l’entreprise. À défaut de la Marseillaise de cré­dit, il sai­sit les oppor­tu­ni­tés. Il vole au secours d’une socié­té de capital-risque de proxi­mi­té créée dans les Alpes, Saménar trop vite lâchée par ses par­rains ins­ti­tu­tion­nels. Puis, il s’offre en archi­tecte du sau­ve­tage de la SDR Méditerranée. Fin tac­ti­cien, il use de ses réseaux, à gauche comme à droite pour conso­li­der un pou­voir deve­nu incon­tour­nable. Homme du sérail, farou­che­ment atta­ché à sa région, pétri du sens de l’intérêt géné­ral, il rêve d’une grande caisse d’épargne qui irait de la Côte d’Azur à la caisse de ses débuts, celle que diri­geait son père à Sète.

Christian Apothéloz

Article paru dans Le Nouvel Economiste.