Le journaliste : portraits

Jean-Paul Escande : un banquier, protestant, de gauche …

par | 08 décembre 2024

Il est par­ti à 84 ans, comme il a vécu, 18 octobre 2024 à Marseille à l’âge de 84 ans dans la plus grande dis­cré­tion. Jean-Paul Escande fut pen­dant 10 ans le patron de la Société mar­seillaise de cré­dit de 1982 à 1992. Au moment où la gauche natio­na­lise les banques, il faut trou­ver des patrons de gauche pour diri­ger des éta­blis­se­ments finan­ciers. Gaston Defferre veille alors à ce que la tra­di­tion pro­tes­tante de la SMC, diri­gée jus­qu’a­lors par la famille de Cazalet soit res­pec­tée et il fait venir à Marseille ce jeune mana­ger, diplô­mé de la facul­té de droit d’Aix-en-Provence, diplô­mé de l’IAE et de la facul­té de lettres qui est en poste chez Renault. Jean-Paul Escande, natif de Nîmes, est enga­gé au par­ti socia­liste et plus pré­ci­sé­ment au Ceres, le cou­rant de Jean-Pierre Chevènement. Il est proche d’Edmonde Charles Leroux qu‘il côtoie à la Fondation Aragon. Il prend en main une banque qui a mal vieilli, elle compte plus de 3 500 sala­riés et ne s’est pas modernisée.

Olivier Pastré, éco­no­miste se sou­vient que Jean-Paul Escande l’a fait venir à la rue Paradis pour diri­ger le pre­mier fonds d’in­ves­tis­se­ment régio­nal, Méditerranée par­ti­ci­pa­tion (filiale de GP banque). « Il a dû faire le ménage dans un sys­tème qui était deve­nu opaque, se rappelle-t-il et il a ouvert la SMC sur les mar­chés médi­ter­ra­néens, comme le Maroc et la Tunisie. Il a eu un par­cours remar­quable. » Il recru­ta aus­si Elisabeth Bertelli comme secré­taire du Conseil d’administration. « C’était un grand Monsieur », se souvient-elle.

Michel Raphaël, jour­na­liste hono­raire, se sou­vient d’un échange dans le bureau du boss, il l’invita à cla­ri­fier sa posi­tion de ban­quier et d’homme de gauche. Jean-Paul Escande lui répon­dit, en sub­stance et sans hési­ter « si on me donne un franc et que je n’ai que 50 cen­times à res­ti­tuer, je n’ai pas de choix, si l’on me donne un franc et que je rends un franc, je n’ai pas fait le job, mais si je peux rap­por­ter 1,50 franc, je peux deve­nir socia­liste et dis­po­ser du sur­plus gagné ». La para­bole des talents revisitée !

SMC 31

Il dépous­sière et ouvre le très beau hall de la SMC, sous les cou­leurs deve­nues bleues des pylônes, il inau­gure une salle de mar­ché en direct, don­nant à voir la mon­dia­li­sa­tion et offrant des nou­veaux ser­vices aux clients entre­pre­neurs. Le gou­ver­ne­ment de gauche freine ses ardeurs réfor­ma­trices pour pré­ser­ver l’emploi et évi­ter les crises sociales, mais il a amor­cé une réduc­tion des effec­tifs et ouvert la SMC à la moder­ni­té. Par la suite, il ren­tre­ra au CIC et pour­sui­vra sa car­rière dans le sud-ouest tout en gar­dant des attaches à Marseille.

Seul poli­tique, Jean-Pierre Chevènement, lui a ren­du hom­mage le 19 octobre 2024 : « Une mort bru­tale vient de nous enle­ver un de nos plus anciens com­pa­gnons de route » écrit-il. « C’était un être pré­cieux sans qui rien de ce qui s’est fait depuis cin­quante ans, du Ceres à la Fondation Res Publica, n’au­rait été pos­sible. Tout d’ef­fi­ca­ci­té et de dis­cré­tion, Jean-Paul s’é­tait ren­du indis­pen­sable, aus­si bien au plan de la réflexion que de l’or­ga­ni­sa­tion. Nous per­dons un pilier. »

La presse pro­tes­tante salue son enga­ge­ment auprès du mou­ve­ment de jeunes, la Fédé, « Nos nou­veaux et jeunes admi­nis­tra­teurs se sou­viennent de la bien­veillance avec laquelle il les a accueillis à la table du Conseil. Son atten­tion, la jus­tesse et la pro­fon­deur de ses ana­lyses nous ont tous ins­pi­rés. » lit-on dans Regards pro­tes­tants. Un culte pro­tes­tant a été célé­bré le 29 octobre 2024, au temple du vil­lage de Lasalle dans le Gard et une céré­mo­nie d’ac­tion de grâce a eu lieu le same­di 9 novembre 2024, au temple du Luxembourg.