Le journaliste : portraits

Pasteur Louis Schloesing (1942–2002) : c’était un pasteur…

par | 03 janvier 2003

Article paru dans Echanges, men­suel régio­nal pro­tes­tant. Décembre 2002

Louis Schloesing s’en est allé par un jour bru­meux de décembre. Après des mois de com­bat contre un can­cer inexo­rable.
Il fut et reste pour moi la figure du pas­teur. Je gar­dais de mon enfance l’image du pas­teur nar­ra­teur qui enchan­tait l’école du dimanche, l’image du pas­teur visi­teur qui ser­mon­nait les familles.
Approchant de la cin­quan­taine je reve­nais avec pré­cau­tion vers mon église après 20 ans d’absence. Je tour­nais, je m’interrogeais, je pas­sais devant la porte en me deman­dant si ce temple, cette Bible, ces cultes pou­vaient éclai­rer la route. Louis n’attendit pas que je tire la son­nette, que je demande mon che­min, que je sois assi­du. Non, il me fit une place comme si je n’étais jamais par­ti. Comme si depuis mon bap­tême cette place était évi­dente, réser­vée, vacante. Comme si l’on n’attendait que moi pour remettre à plat le jour­nal régio­nal, pour par­ti­ci­per à l’organisation d’un ras­sem­ble­ment, pour ani­mer une soi­rée syno­dale, pour créer un café théo­lo­gique, pour com­mu­ni­quer avec la presse.
Mais il fit plus, il me mit en main Ricoeur et Dumas, Bonhoeffer, Tillich et les autres. Il me don­na le goût de cher­cher dans l’histoire, la phi­lo­so­phie, la théo­lo­gie, dans les textes ce que signi­fiait la Parole aujourd’hui. Quelques jours avant son départ, épui­sé mais lucide, il me recom­man­dait encore un livre, regret­tait de ne plus pou­voir lire, se réjouis­sait de la pré­sence de for­ma­tions théo­lo­giques sur Internet !
Il consi­dé­rait que son métier de pas­teur était d’abord un métier de théo­lo­gien, d’homme en quête per­ma­nente du sens.
Sa foi était une exi­gence. Une inter­pel­la­tion constante. Pour lui, pour les autres. Il n’avait rien d’un men­tor. Mais il posait ses inter­ro­ga­tions, il indi­quait une piste, sans jamais impo­ser, il appe­lait cha­cun au réveil, au sur­saut, à la vigi­lance. L’Église doit res­ter une « com­mu­nau­té d’indignation *», une vigie.
Pas ques­tion pour autant de se ren­fro­gner dans une foi com­pas­sée, Louis vivait une théo­lo­gie du bon­heur. “La foi en Christ, plaidait-il, nous libère des charges du pas­sé, des entraves de l’égoïsme et nous invite à aller vers l’autre, vers un bon­heur à par­ta­ger” . Il avait dû faire sienne cette phrase de Dietrich Bonhoeffer : « Jésus n’appelle pas à une reli­gion nou­velle, mais à la vie ! »
Ainsi Louis vivait-il son minis­tère, avec ses colères, ses recherches, son écoute, sa foi. Les épreuves, les souf­frances n’ont jamais alté­ré cet opti­misme radi­cal et cette joie de l’échange.
Il était plus qu’un pas­teur, il était mon pasteur.

Christian Apothéloz

* Selon l’expression employée par Michel Bertrand lors du culte de recon­nais­sance.

PS. Ceux qui vou­dront pour­suivre un bout de che­min avec Louis pour­ront lire et relire les deux indi­ca­tions bibliques qu’il don­na lui-même pour le culte de recon­nais­sance du 14 décembre 2002 : Luc 24/13–24 et Jean 21/1–12