Septembre 1993. Le Nouvel économiste
Marseille : Tapie rebondira-t-il ?
Le feuilleton juridico-sportif de l’été
rend toutes les stratégies politiques marseillaises aléatoires.
On se positionne, mais on ne bouge pas. Car nul ne connaît
la capacité réelle de rebond du patron de l’OM.
Fini Tapie ? La question est de toutes les
discussions sur Marseille. Si l’affaire OM Valenciennes
a cassé la trajectoire gagnante du capitaine du Phocéa,
elle ne l’a pas éliminé de la place de Marseille.
Il n’est plus ici un parachuté. Il s’est trouvé
un parti. Petit, à gauche et indispensable. Et surtout
un public dont on commence à mesurer le poids. Bernard
Tapie invalidé dans la circonscription de Gardanne retrouvera-t-il
une miraculeuse triangulaire avec le Front national pour battre
à nouveau un Fabre d’Aubrespy en bonne position?
Si l’influence du président de l’OM a baissé,
il garde, à minima, une capacité de nuisance certaine..
La gauche aura au cours des deux prochains scrutins, les cantonales
et les municipales, besoin de toutes ses forces, et même
plus, pour garder la présidence du Conseil général
et la mairie de Marseille. Or Bernard Tapie veut en découdre
avec certains socialistes comme avec Vigouroux. Si par exemple,
Lucien Weygand, président du Conseil général
13, devait affronter sur son canton un vigouriste et un radical
de gauche, il ne retrouverait pas facilement son fauteuil.
“Ces élections,
analyse Jean-François Mattéï, sont une
équation à trois inconnues. Outre l’inconnue
Tapie, ses affaires, son mandat, les Européennes, les présidentielles,
son positionnement, sait-on comment évoluera la popularité
de Robert Vigouroux d’ici 1995? On ne peut gagner Marseille
deux fois sans parti. Ira-t-il vers le PS ou vers la gauche de
l’UDF, vers les radicaux valoisiens? Troisième inconnue,
Jean-Claude Gaudin. Depuis 1989, il a confirmé sa place
de leader régional de la droite. On peut comprendre qu’il
souhaite recueillir le fruit de ce qu’il a fait depuis 20
ans.” Conclusion: pour J.-F. Mattéï, “la
question est prématurée”. À l’opposé,
pour Michel Pezet, le scrutin municipal est “l’élection
phare” de la ville. Et s’il ne se fait pas trop de
souci pour le Conseil général, il sait que pour
battre un Jean-Claude Gaudin ministrable (ministre en septembre
selon certains de ses amis), “il faut rassembler. Robert
Vigouroux ne peut y aller seul, Tapie non plus, Weygand ou Henry
Roux-Alezais non plus. Il y a matière à bâtir
un pôle.” En attendant ce rassemblement œcuménique,
la fédération du PS pourrait connaître des
changements au cours de l’été. Le très
contesté et fabiusien secrétaire fédéral,
Jean-François Bernardini pourrait passer la main en douceur.
À un fabiusien. Un mandat qui conviendrait à Michel
Vauzelle. L’ancien garde des sceaux, conseiller général
est sorti de sa retraite postministérielle et on le rencontre
souvent en Arles. Et puis si Lucien Weygand trébuchait,
il serait un candidat rêvé pour la présidence
du Conseil général. Les ex-ministres sortent peu
à, peu de leur réserve. Jean-Louis Bianco, conseiller
régional, ne rate en ce moment aucune inauguration ou fête
de village dans les Alpes de Haute Provence. Il se présentera
aux cantonales dans un département qui oscille de gauche
à droite à un élu près. Avec une chance
pour la présidence. Mais personne ne se hâte. Michel
Pezet surveille de près l’élevage de ses vaches
dans le Lubéron et Jean-François Mattéï
rédige ses “Contes et récits d’un généticien”
dans sa villa du Var.
Christian Apothéloz
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